PASSE COMPOSE

Réfugiés en Bretagne

La débâcle et l’arrivée massive de réfugiés en Bretagne

L’effondrement militaire français face aux armées hitlériennes jette sur les routes de l’exode huit millions de Français. L’Ouest de la France apparaît comme un refuge provisoire car depuis 1939 des plans d’évacuation et de repli des populations civiles (principalement des femmes, des vieillards et des enfants) de neuf départements frontaliers avaient été établis, à la fois pour épargner les populations civiles et pour éviter la cohabitation des civils et des militaires dans une guerre imaginée comme une guerre de position.  

L’exode

Les autorités avaient prévu que l’évacuation des réfugiés se ferait à une vitesse de 30 à 40km par heure, mais les Allemands avancent bien plus vite. L’exode est donc non seulement massif mais il est aussi brutal et se fait dans la panique.

Un véritable raz de marée, grossissant jour après jour, département après département, vient recouvrir la Bretagne dont les ports ont accueilli de nombreux navires qui appareillent en catastrophe vers l’Angleterre, le Sud de la France ou l’Afrique du Nord à l’approche des troupes allemandes.

Les premiers réfugiés du Nord-Pas-de-Calais, de la Somme, de l’Aisne, des Ardennes, de Paris mais aussi de Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg arrivent en Ille-et-Vilaine (département agricole et pourvu en logements), à Lécousse, à quelques kilomètres de Fougères, le 17 mai 1940, où ils sont accueillis au camp de la Rive, un ensemble de dix baraques recouvertes de tôles. Très vite, l’Ille-et-Vilaine connaît des problèmes de ravitaillement car les trains de réfugiés arrivent de manière imprévisible. En juin1940, le nombre de réfugiés dans ce département est évalué à 140 000.

Dans Côtes du Nord, au moment de la plus grande affluence, l’on a pu compter jusqu’à 300 000 personnes supplémentaires sur une population de 530 000 habitants environ en juin 1940 !

Le département du Morbihan est aussi un département d’accueil en mai 1940. Il reçoit plus de 130 000 personnes entre le 10 et le 20 juin. Le 15 juillet, on recense 150 000 réfugiés et ce chiffre ne va pas cesser de croître jusqu’en août 1940.

Le département du Finistère accueille, quant à lui, 160 000 personnes.

A partir de mai 1940, jusqu’à la fin du mois d’Août, Quimperlé devient un centre d’accueil pour les réfugiés de la région parisienne, du Nord et de l’Est de la France, et d’une soixantaine de Belges.

Selon un document officiel de la Préfecture du Finistère, daté du 14 mai 1940, Quimperlé et a région avait la capacité d’accueillir 11 450 personnes réparties sur les communes suivantes :

  • Arzano :                       180
  • Guilligomarc’h :             80
  • Locunolé :                    180
  • Rédéné :                       180
  • Quimperlé :                3000
  • Clohars-Carnoet :       3000
  • Moëllan-sur-Mer :      1400
  • Tréméven :                   150
  • Querrien :                     480
  • Saint-Thurien :             180
  • Riec-sur-Belon :         1000
  • Pont-Aven :                  480
  • Nizon :                         300
  • Mellac :                         150
  • Baye :                             40
  • Nevez :                          650
Les réfugiés en Bretagne en août 1940
Ille-et-Vilaine140 000
Morbihan144 135
Côtes-du-Nord112 000
Finistère160 000
Total556 135

Cette masse énorme de réfugiés qu’il faut accueillir, loger, nourrir, soigner, aurait pu contribuer à désorganiser la vie économique, déjà affaiblie par la mobilisation de septembre 1939. Il n’en fût rien.

Même après une année de guerre, la Bretagne, pays producteur, a pu supporter une augmentation de 20% de sa population. Pour les produits alimentaires, peu ou pas de hausse des prix dans les villes et les bourgs commerçants. Dans les villages et les fermes, les prix s’égalisèrent avec ceux des villes. Sur certains marchés, des hausses temporaires semblent dues à la raréfaction des moyens de transports plutôt qu’à celle des marchandises. Dans l’ensemble, les ressources de la région ne furent pas entamées du fait des réfugiés.

En revanche, la rareté des loyers entraîna souvent une hausse de leur prix. Sur le littoral, on appliqua les prix de la saison touristique, ce qui parût exorbitant à un grand nombre de réfugiés. Ces prix excessifs mécontentèrent d’autant plus les réfugiés que ceux qui les pratiquaient les présentaient comme une faveur et se vantaient de leur acte charitable.

Concernant le prix de la main d’œuvre, l’afflux de réfugiés n’entraîna aucune modification car assez peu nombreux furent ceux qui travaillèrent. En effet, si, un peu partout, ils rendirent de menus services, ils hésitèrent, cependant, à prendre un emploi. D’ailleurs, beaucoup arrivaient dans un tel état de fatigue physique ou mentale qu’ils étaient incapables de travailler.  De plus, les réfugiés ne songeaient pas à s’établir durablement dans l’Ouest.

En fait, pour vivre, les réfugiés ne pouvaient compter que sur les économies qu’ils avaient pu sauver et/ou sur l’allocation versée par l’Etat : 10 francs pour les adultes, 6 francs pour les enfants.

Les retours

L’armistice est signé le 22 juin 1940 à Rethondes. Hitler fait un dernier affront à la France en exigeant de signer dans le wagon qui avait reçu les Alliés victorieux le 11 novembre 1918.

La convention d’armistice comprend 24 articles : clauses militaires (dont le désarmement), clauses stratégiques et politiques (l’occupation et ses zones), clauses économiques sur le contrôle des marchandises et valeurs. Elle entre en vigueur le 25 juin 1940. A partir de cette date les réfugiés se remettent en route.

Dès la signature de l’armistice, des affiches annoncèrent la reprise de la circulation des trains dans l’Eure et le Calvados, la Mayenne et la Sarthe, autorisèrent les réfugiés originaires de ces départements à rentrer chez eux, soit par le train soit, s’ils disposaient d’une quantité d’essence suffisante, en auto. Dès le 24 juin, des distributions d’essence furent organisées pour ceux qui n’en avaient pas assez.

Ainsi s’amorçait un mouvement en sens contraire qui devait ramener les neuf dixièmes des évacués. La plupart repartirent par chemin de fer. Pendant un certain nombre de jours, on mettait en marche des trains gratuits comme :

  • 1er juillet 1940 et jours suivants : Quimper (6h50) vers la Normandie ;
  • 3 juillet, Brest (6h55), Landerneau (7h25), Morlaix (8h37), vers la Normandie
  • 3 juillet : Lorient, Caen, Evreux ;
  • 22 juillet, Morlaix vers la région parisienne ;
  • 27 juillet, d’Ille-et-Vilaine vers la région parisienne :
  • Du 6 au 10 août, Morlaix vers la Seine Inférieure (700 places par jour)
  • Du 10 au 18 août, Brest (20h20), Morlaix (23h), vers la zone A Nord ;
  • 11 août, Lorient (16h31) vers la Seine inférieure ;
  • 11 août, Quiberon (19h30), vers la Région parisienne ;
  • 27 août, Morlaix, Landerneau, Quimper, Quimperlé vers la Belgique ;
  • 1er septembre, Quimper vers la Belgique ;
  • 12 septembre, Rennes-Paris (train spécial pour les artistes de la Radiodiffusion) ;
  • 20 septembre, Guingamp (8h22), Dol, Rennes, Quimper (3h55), Redon, Rennes vers la Belgique ;
  • 20 septembre, Angoulême, Nantes, Le Mans vers Bruxelles.

Pour éviter que des réfugiés ne laissent passer la date du train, le gouvernement de Vichy fixa, pour chaque localité, une date limite au-delà de laquelle ils ne pouvaient plus percevoir leurs allocations :

  • Les Côtes du Nord : les réfugiés de Normandie, de la Sarthe, d’Eure-et-Loir cessent de percevoir leurs allocations le 10 juillet ; de Seine-Saint-Denis le 20 août ; d’Alsace-Lorraine le 19 septembre.
  • L’Ille-et-Vilaine : Sarthe, Orne, Mayenne, Eure-et-Loir le 15 juillet ; région parisienne le 1er août ; Seine inférieure le 20 août.
  • Le Morbihan : régions à l’Ouest de la Seine et Alsace-Lorraine le 27 juillet ; autres destinations non interdites le 12 août.
  • Le Finistère Sud : Bretagne et Normandie le 15 juillet ; région parisienne le 10 août ; zone A Nord le 20 août.

Mais les retours par chemin de fer restent laborieux car ils sont entravés par les destructions d’ouvrages causées par les bombardements.

L’on estime que fin novembre 1940, 90% des réfugiés en Bretagne avaient quitté la région.