Naissance des réseaux, des mouvements de résistance et des maquis, en France, en Bretagne, dans le Finistère Sud et à Bannalec
La Résistance était faite à la fois de réseaux et de mouvements. Ces deux types d’entités se distinguent par la nature de leurs actions.
Un réseau est une organisation créée en vue d’un travail militaire précis (renseignement, sabotage, évasion de prisonniers de guerre et de pilotes tombés chez l’ennemi). Il est formé par des agents envoyés en France ou à partir de groupes déjà constitués. Hiérarchisé, il agrège des Résistants isolés mais en contact avec l’état-major pour lequel ils travaillent, BCRA, Intelligence service, SOE…
Les Mouvements, qui ont pour objectif de sensibiliser et d’organiser la population, ont été créés dès 1941. Peu structurés, ils agissent d’abord par la propagande-diffusion de tracts et journaux clandestins, puis par la fabrication de faux papiers, et, plus tard, par une aide aux familles de résistants arrêtés. Une hiérarchisation se met en place progressivement avec des chefs régionaux ou départementaux relativement autonomes. Le centralisme et le cloisonnement peuvent être imposés comme c’est le cas dans les mouvements communistes. Une hiérarchisation se met en place progressivement avec des chefs régionaux ou départementaux relativement autonomes.
Les organisations spéciales.
Les communistes n’avaient pas attendu l’invasion de l’URSS par l’armée nazie pour entrer dans la Résistance. Ils s’organisent à partir de 1940, forment les premiers noyaux clandestins de la Résistance armée. En octobre 1940, le PCF créait l’Organisation Spéciale (OS) également dénommée Organisation Spéciale de Sabotages (OSS). L’OS, composée de personnes aguerries et notamment d’anciens des Brigades Internationales, était chargée du service d’ordre et des coups de main : récupération d’armes, d’explosifs, actions de sabotage contre les installations militaires allemandes, intimidation des traîtres, protection des militants qui prennent la parole sur les marchés, distribution de tracts, collage d’affiches et de papillons, participation à des manifestations patriotiques, etc. A la Libération, l’OS sera homologuée comme unité combattante de la Résistance d’octobre 1940 à mai 1941.
Les Bataillons de la Jeunesse
Les Jeunesses communistes disposaient des Bataillons de la Jeunesse menés par Albert Ouzoulias, 26 ans et le colonel Fabien, 22 ans. De l’attentat contre l’aspirant de Marine Moser à Paris le 21 août 1941 à celui contre le Feldkommandant de Loire-Inférieure à Nantes le 20 octobre 1941, les Bataillons de la Jeunesse s’illustrent par les actes les plus éclatants. Et bien avant juin 1941, les jeunes communistes organisent des actes de résistance comme le 11 novembre 1940 aux Champs Elysées à Paris où ils tentent de rejoindre des anciens combattants pour une cérémonie patriotique. Nombreux sont ceux qui ont été arrêtés, torturés, fusillés par les Allemands, envoyés en camp. Ce fut notamment le cas pour Guy Môquet, arrêté le 13 octobre 1940 à la gare de l’Est, emprisonné à Fresnes puis à Clairvaux, et Châteaubriant où il restera 8 mois avant d’être fusillé le 22 octobre 1941.
Main d’œuvre Immigrée (MOI) :
C’était une organisation syndicale créée par le Parti Communiste Français dans les années 1920 regroupant des travailleurs immigrés en France (Bulgares, Roumains, Hongrois, Polonais, essentiellement juifs, Arméniens, Italiens et quelques français). Dénommée initialement « Main-d’œuvre étrangère » (MOE), cette organisation prend le nom de MOI en 1932. Les actions des FTP-MOI sont multiples : exécutions individuelles de militaires allemands, attaques contre des groupes de soldats dans les rues, bombes dans les hôtels réservés par l’Occupant, vols d’armes ou simplement de vélos. Missak Manouchian, entré avec sa femme Mélinée au Panthéon le 21 février 2024, est un symbole de courage et d’engagement de l’ensemble des étrangers qui ont combattu au sein de la Résistance en France.
Les FTPF
Créés en 1942 par le Parti Communiste Français, les Francs-Tireurs et Partisans Français regroupent les organisations spéciales, les bataillons de la jeunesse et MOI.
Ces structures sont placées sous la direction du « Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France » et d’un comité militaire dont Charles Tillon est le commandant en chef (qui deviendra ministre communiste dans le 1er et 2ème gouvernement dirigés par Charles de Gaulle, aux côtés de François Billoux, d’Ambroise Croizat, de Marcel Paul et de Maurice Thorez). Très structurés, les FTP sont partisans de la guérilla urbaine et de l’action immédiate. En 1944 les FTP, tout en conservant leur autonomie, sont regroupés au sein des FFI.
En Bretagne, les bases en sont jetées en 1941 et 1942 mais ils prennent leur essor en 1943. Le parti communiste clandestin, déjà actif à l’automne 1940 (propagande), met sur pied le Front national (FN) à partir de 1941. Ses militants se confondent alors avec ceux du PC avant de s’élargir à d’autres milieux. L’exécution du Feldkommandant Hotz à Nantes le 20 octobre 1941 par trois militants envoyés de la région parisienne signe le basculement du PC dans la lutte armée ; la mort des 48 otages (27 fusillés à Châteaubriant, 16 à Nantes et 5 au Mont valérien) le 22 octobre 1941 est un tournant majeur dans l’opinion publique. En 1942-1943, malgré une forte répression, les Francs-tireurs et partisans (FTP), la branche armée du FN, sont les principaux acteurs des nombreuses actions de résistance recensées en Bretagne (sabotages, attentats à l’explosif contre les cantonnements allemands, premières exécutions de collaborationnistes).
A Bannalec, en 1943, un groupe de résistants s’était constitué dans les hauteurs de Saint-Jacques autour de François Le Daëron [pseudonyme dans la Résistance : Louis d’Or], Louis Guillerm, Émile Guéguen et Christophe Le Moal [pseudonyme dans la Résistance : Abel], réfractaire au Service du travail obligatoire (STO). Ils furent bientôt rejoints par de jeunes réfugiés de la région de Lorient, réfractaires au STO, dont Job Giquelay et Jean Le Guiff. D’abord isolé, ce groupe rallia la compagnie Guy Môquet (FTPF), dirigée par le directeur de l’école de Saint-Jacques, François Carer.
Ce groupe participa à de nombreuses actions dans le Finistère Sud, en particulier au cours de la nuit du 18 au 19 mars 1944 à Bannalec près de Troganvel, lors du sabotage de la voie ferrée qui a provoqué un déraillement et la chute dans le Ster-Goz de wagons transportant des armes et des pièces détachées pour sous-marins.
A Scaër, dès 1941, des tracts du Parti Communiste sont tapés par Pierre Guillou, ouvrier papetier à « Cascadec », et transportés à Quimper. Il est aidé par Louis Le Berre, François Kersulec et Pierre Salaun (ce dernier sera maire de Scaër de 1945 à 1969). En 1943, sous l’impulsion de Rosine Kersulec, Résistante de la première heure, des groupes de maquisards vont se former à Scaër. Emile Guéguen, électricien à l’usine de Cascadec va se charger du recrutement dans le bourg et dans les communes environnantes : Querrien, Le Faouët, Guiscriff, Roudouallec, Leuhan, Coray, Tourc’h…
Le nombre de Résistants grossit rapidement notamment en recevant le renfort de réfugiés lorientais, de réfractaires au STO, de jeunes venant de la baie d’Audierne. Retirés dans les forêts de Coat Loach et de Cascadec, les Résistants sont ravitaillés par des cultivateurs et des commerçants. A la suite d’une dénonciation, plusieurs d’entre eux sont arrêtés par les Allemands et déportés : Christophe Morvan, Yves Normant d’Esquibien, André L’Helgouach, Louis Solliec, Louis Guillemot. Seul Louis Solliec reviendra des camps nazis.
De son côté, Pierre Guillou loge plusieurs Résistants scaérois, dont Pierre Cabellic, alias « Commandant Fernand », et Daniel Trellu, alias « Raymond » puis « Chevalier », commandant des FTP du Finistère.
Il convient de signaler aussi Joseph Guernalec, menuisier à Bannalec, qui utilise sa voiture, « une traction de couleur noire », pour transporter des jeunes maquisards et assurer des liaisons avec d’autres groupes de résistants.
Avant même le débarquement du 6 juin 1944, les maquisards scaërois vont se montrer très actifs. En janvier 1944, ils incendient un car de l’organisation « Todt » et exécutent son chauffeur, un collaborateur qui avait dénoncé des jeunes résistants de Tourc’h. Les 18 et 19 mars, ils participent au déraillement du train du « trou de la belle-mère » entre Bannalec et Kerrest. Le 8 avril, à l’initiative de Pierre Cabellic, responsable FTP pour le Sud-Finistère, des résistants en majorité de Scaër, mais aussi de Quimper, Morlaix, attaquent la prison Saint-Charles de Quimper. Dans la nuit du 21 au 22 avril, des scaërois et des Guiscrivittes font dérailler un train de permissionnaires allemands.
Face à ces sabotages et à ces attaques, les Allemands procèdent à de nombreuses rafles et arrestations.
Arrêté le 20 avril 1944, Roger Guillou mourra pendant son transport en Allemagne. Le 3 mai, Yves Bourvic et Louis Brette de Lanvénégen sont capturés au cours d’une mission. Déportés en Allemagne, ils mourront au camp de Neuengamme.
Le 9 mai, près de Carros-Combout en Querrien, les Allemands capturent Jean Le Guiff de Lorient, André Kermabon et Jean Hascoët de Quimperlé. Ils seront identifiés en 1945 parmi les soixante-neuf résistants fusillés de la citadelle de Port Louis.
A la suite de l’attentat du 11 mai en gare de Rosporden (deux locomotives explosées), le résistant Georges Kerangouarec est arrêté puis fusillé. A Mellac, Jean-Louis Montfort, alias « Mastard », se fait prendre le 11 mai après avoir tiré sur des officiers Allemands. Il est envoyé à la prison du Bel-Air installée dans l’ancien couvent des Ursulines (devenu aujourd’hui le collège Jules Ferry) à Quimperlé puis est fusillé le lendemain à la Croix de Mellac.
Dans la nuit du 10 au 11 juin 1944, François Le Daëron dirigea une expédition d’une vingtaine de maquisards, parmi lesquels se trouvaient Jean Coré, Jean Le Coz, Pierre Le Fort et François Mahé. Avec deux tombereaux, ils se rendirent à Drolou en Scaër pour dévaliser un entrepôt de ravitaillement destiné à l’occupant et subvenir ainsi aux besoins du maquis. À Drolou, les maquisards tombèrent dans une embuscade et l’opération tourna au désastre. François Le Daëron fut blessé ainsi que Jean Le Coz. François Le Daëron, Anatole Kerhervé, Pierre Le Fort, alias « Darlan », François Mahé, Jean Le Coz et Jean Coré ont été conduits après leur arrestation à Bannalec, puis à la prison de Bel-Air à Quimperlé. Selon les archives allemandes déposées à Arolsen en 1971, ils ont été condamnés à mort pour activité de franc-tireur par le tribunal militaire allemand de la 265e Division d’infanterie. François Le Daëron, Anatole Kerhervé et Pierre Le Fort ont été fusillés le 15 juin 1944 au Bois du Duc en Quimperlé et François Mahé, Jean Le Coz et Jean Coré ont été fusillés le 22 juin 1944 à Port-Louis (Morbihan). Après la disparition de François Le Daëron, le groupe FTPF-FFI de Scaër, commandé par le sous-lieutenant Jean Le Guiff, a pris le nom de « Bataillon Louis d’Or » et a été intégré aux Bataillons de Quimper.
Le mouvement Libération Nord
Avec dix camarades cégétistes et chrétiens, Christian Pineau et Robert Lacoste signent un manifeste en réaction à l’interdiction des centrales syndicales, patronales et ouvrières, prélude à la Charte du travail du gouvernement de Vichy qui suspendait toute vie syndicale. Anti-vichyssoise et antinazie, cette organisation prend corps le 1er décembre 1940 avec la parution du premier numéro du journal Libération-Nord, hebdomadaire qui marque le point de départ d’un mouvement qui se structure et s’étend jusqu’à devenir l’un des plus importants de la zone Nord. Le journal paraît, sans discontinuer, jusqu’en août 1944.
« Libé-Nord » rassemble des résistants hommes et femmes, socialistes ou apolitiques, syndicalistes, fonctionnaires, imprimeurs, typographes, ouvriers comme universitaires reconnus. A la suite de la mission de Christian Pineau à Londres en février 1942, ce dernier obtient du général de Gaulle une déclaration pour les mouvements de résistance, affirmant son idéal républicain. Sur ordre du chef de la France libre, « Libé-Nord » étend son champ d’action au renseignement politique et militaire avec la mise sur pied des réseaux Phalanx et Cohors, respectivement dirigés par Christian Pineau et Jean Cavaillès. Avec l’évolution de la guerre, une antenne du mouvement est créée au sein de la police, prenant le nom de Police et Patrie en 1943. A la même époque, l’action armée devient prédominante, sous la direction d’officiers de carrière. Membre du Conseil national de la Résistance, créé par Jean Moulin en mai 1943, « Libé-Nord » prend une part active à la libération de Paris ainsi qu’aux opérations engagées en province.
En Bretagne, le mouvement se développe en 1941 grâce à François Tanguy-Prigent, dit « Jacques Le Ru », et Jean Gosset. Les milieux socialistes, syndicalistes et la fonction publique constituent le terrain de recrutement principal du mouvement. En mai 1943, à Rennes, Heurtier, pharmacien, constitue avec son fils le premier noyau du mouvement. Des quatre départements bretons, les Côtes-du-Nord et le Morbihan furent organisés les derniers.
En Bretagne les principaux responsables de Libération-Nord furent :
- En Côtes-du-Nord, Georges Heurtier, déporté, Yves Lavoquer, Guennebaud, Charles Bescont;
- En Ille-et-Vilaine, Honoré Commeurec, Victor Louviot;
- Dans le Morbihan, Maurice Marchais, Joseph Rollo;
- Dans le Finistère, Aldéric Lecomte, Louis Dupoux, Guillaume Donnart, allias « Poussin », Hervé Mao (maire SFIO de Châteaulin), Fernand Deuve de Douarnenez et Thomas Lebranchu appartiennent à Libé-Nord;
- A Quimperlé, les responsables sont Lucien Queméneur, François Huon, Jean-Louis Jamet;
- A Scaër, le capitaine Henri Le Dez (David) implante ce mouvement qui va s’avérer d’une très grande vitalité;
- A Trémeven, Joseph Gerbes, garagiste, met sur pied, en 1942, un petit groupe de sabotage du nom de « Victoire » qui s’intègrera plus tard à Libé-Nord.
Les membres de Libération-Nord hébergent et s’occupent de l’évasion d’aviateurs alliés (réseau d’évasion Bordeaux-Loupiac et de renseignements Cohors-Asturies et Eleuthère). Une mention particulière doit être attribuée à l’efficacité des sections AS de Libération-Nord en Bretagne. Leur action fut placée sous l’autorité du général Audibert et de Tanguy-Prigent, de Yves Lavoquer et de Salaün. A titre d’exemple, elle mènent des actions de noyautage de l’administration et d’aide aux réfractaires du STO. Les pertes furent lourdes, parmi lesquelles on ne peut manquer de rappeler la mort en déportation de Mme la Générale Audibert et l’assassinat par la Gestapo d’Agnès de la Barre de Nanteuil, agent de liaison du général Audibert, affreusement torturée.
Le 6 juin 1944, ce mouvement compte 7 000 militants dans le Finistère. Après le débarquement de Normandie, les résistants de Libé-Nord participent à des activités militaires pour aider les Alliés, dans le nord-Finistère en particulier. Le 8 août 1944, 200 F.F.I. participent à un parachutage au « Grand Kéroec ».
Le réseau Phalanx
Ce réseau est intrinsèquement lié à l’histoire du mouvement Libération Nord (L.N).
À la suite de son premier voyage à Londres en février 1942, Christian Pineau, à la tête du mouvement Libération-Nord, se voit confier par le Bureau central de renseignements et d’action de la France libre (BCRA), la création du réseau de renseignements Phalanx avec une antenne dans la zone sud (zone occupée) et une antenne dans la zone Nord dont la direction est confiée à Jean Cavaillès, éminent philosophe et mathématicien, avec, comme adjoint, Jean Gosset, son ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm à Paris.
Si les services de transmission sont à l’origine communs (via les radios du réseau Confrérie Notre-Dame, dirigé par le colonel Rémi), la nécessité se fait bientôt sentir, par souci de sécurité, de devenir autonome. Cavaillès s’émancipe de la tutelle de Phalanx, aux orientations trop politiques (les missions du réseau étaient totalement au service de l’état major de la France Libre). C’est lors de sa mission à Londres de février à avril 1943 que se concrétise le détachement de Cohors qui fait de la collecte de renseignements économiques et militaires sa spécialité. Cavaillès recrute son beau-frère, Marcel Ferrières, et groupe autour de lui des hommes et des femmes de milieux divers (polytechniciens comme lui, industriels, scientifiques, tel le physicien Yves Rocard).
Au même moment, une section « action » est créée dans l’optique de sabotages. Elle est confiée à Jean Gosset avant de se diluer dans le Service national maquis (S.N.M) des Mouvements unis de la Résistance (M.U.R).
Le réseau s’implante en région parisienne, puis dans le Nord, en Belgique, en Normandie et en Bretagne.
Dans le Finistère, le réseau se développe assez rapidement, profitant d’un noyau formé en décembre 1941 par Jean Gosset, grâce à des connaissances d’avant-guerre dans la région de Quimperlé.
C’est sous l’impulsion de Marie Queffurus (Econome au collège moderne de Quimperlé, elle recrute plusieurs membres dans son entourage) que ce réseau prend corps à Quimperlé dès le début 1942. Il va informer Londres du mouvement des bateaux, de la fortification en cours des côtes dans le Morbihan et le Sud-Finistère, du trafic de l’aéroport de Lann-Bihoué, de la base de sous-marins ennemis de Kéroman à Lorient, etc.
Cette petite structure s’affilie naturellement au mouvement Libération Nord (L.N) en janvier 1942. Au fil du temps, le réseau s’implante également à Quimper, Concarneau, Morlaix et Landivisiau. À Brest, le principal artisan du réseau est l’ingénieur Aldéric Lecomte à qui échoient également des responsabilités départementales pour le mouvement.
Deux missions spéciales sont confiées à Cavaillès : le sabotage dans les magasins de la Kriegsmarine en Bretagne et, menée par Yves Rocard, l’espionnage des radiophares allemands sur les côtes. Après de multiples arrestations en Normandie et à Paris, dont celle de Cavaillès fin août 1943, Jean Gosset remonte le réseau durement touché qui, sur ordre de Londres, se régionalise; les branches « renseignement » et « action » du réseau se séparent puis ce dernier prend le nom d’Asturies. La direction devient collégiale.
Lors d’une réunion, le 25 avril 1944, rue Paul Bert à Rennes, Jean Gosset est arrêté par la Gestapo. Emprisonné à Rennes puis à Compiègne, il ne parle pas sous la torture. Le 28 juillet 1944, il est déporté au camp de concentration de Neuengamme (Allemagne) où il parvient trois jours plus tard. Il y meurt le 21 décembre 1944, quelques semaines après avoir été nommé au grade de commandant.
Le mouvement « Vengeance »
Formé initialement par deux médecins, Victor Dupont (1909-1976) et François Wetterwald (1911-1993) à Paris en 1941, cette petite structure va d’abord travailler de concert avec le Service de renseignement Air de Vichy (S.R Air) du général Ronin, notamment dans la région de Nevers. La structure se développe fortement et scinde ses activités pour plus d’efficacité. Il comprend alors :
- Une branche d’évasion qui se consacre essentiellement au passage de la ligne de démarcation ;
- Un réseau de renseignement nommé Turma ;
- Une branche paramilitaire en instituant ses Corps-Francs (janvier 1943) ;
- Une organisation d’action immédiate dont un groupe de sabotage ;
- Un service de faux papiers ;
- Un service social.
Avec plus de 30 000 membres répertoriés, le réseau Turma-Vengeance devient l’un des plus vastes mouvements de résistance intérieure française.
En juillet 1943, Vengeance se rapproche du mouvement Ceux de la Libération (C.D.L.L, créé dès le 2 août 1940), pour s’imbriquer dans l’Armée secrète (A.S) et ainsi croître ses capacités de coordination et d’action au plan national. En septembre, par des accords nationaux, il est préconisé aux dirigeants départementaux du mouvement de se rapprocher du mouvement de l’Organisation de la Résistance de l’Armée (O.R.A) d’obédience giraudiste, ce qui sera le cas en Bretagne et dans le Finistère.
Dans le Finistère, le mouvement s’implante fortement dans le Sud du département à partir du début 1943, à Quimper et Douarnenez en particulier. Le cloisonnement des activités n’est pas vraiment respecté, mélangeant parfois le renseignement, l’évasion et l’action. À partir d’avril-mai 1943, Jacqueline Héreil (1913-1998), dite Myrtille et Jean Lux qui dirige le sous-réseau Ulysse, se mettent en quête de cadres et trouvent en Alice Richard de Quimper, dite Armen, une bonne recruteuse. Grâce à cette dernière s’ajoutent très vite de nouvelles recrues comme la famille Le Guennec. Elle réussit également à noyauter la Feldkommandantur de Quimper pour faciliter le déplacement des réfractaires au S.T.O et parvient également à débloquer la situation d’aviateurs alliés bloqués dans la région de Gourin. Les deux principaux chefs François Wetterwald et Victor Dupont passeront dans le secteur pour suivre le développement et entériner l’organigramme régional et finistérien du mouvement.
Le Finistère passe sous la houlette d’Henri Le Guennec, alias « Marc », et monte en puissance en s’implantant dans les secteurs de Saint-Pol-de-Léon et Morlaix, Quimperlé, Pont-Aven, Pont-L’Abbé, Le Faou, Concarneau et Landerneau.
Vu la consécration des forces allemandes sur la bande côtière, il est difficile et risqué de former de grands groupes de maquisards. Pourtant, Louis Morel crée une compagnie à Pont-Aven. Il a pour adjoints Armand Remot, instituteur à Moëlan-sur-Mer et Victor Kimpe de Pont-Aven. Dès le début de l’année 1944, il a sous ses ordres près de cent soixante hommes. Il les répartit dans des exploitations agricoles de Pont-Aven, Nizon, Nevez, Riec-sur-Belon, Moëlan, Bannalec… après leur avoir fourni des cartes de commis de ferme.
A Quimperlé, la direction du groupe « Vengeance » est assurée par Eugène Genot et Robert Lancien. le 27 février 1944, plusieurs membres du groupe « Vengeance » furent arrêtés à la suite d’une dénonciation et déportés, dont Robert Lancien et Eugène Génot. (Eugène mourra au camp de Neuengamme et Robert reviendra du camp de Beendorf le 2 juin 1945). Après leurs arrestations, Paul Tanguy prendra la relève.
Pour Brest, le mouvement ne parvient pas à se développer mais dispose tout de même, grâce à Raymond Deshaies, de quelques agents de renseignements œuvrant à l’arsenal.
Suivant les consignes nationales, Vengeance se rapproche de l’O.R.A, d’abord à Douarnenez puis à l’échelon départemental fin 1943. La vague d’arrestations, en janvier 1944, a ébranlé la structure finistérienne et bretonne, notamment sur l’alliance avec l’O.R.A. Malgré tout, le mouvement parvient à obtenir un premier parachutage d’armes dans la région d’Hanvec. Ceci permettra d’équiper les cadres de l’arrondissement brestois des Forces françaises de l’intérieur (F.F.I). Malgré le flottement ambiant du fait des arrestations, les survivants se rapprochent d’autres mouvements pour poursuivre la lutte. La réunion du 26 mai 1944 au maquis de Kernoaled au Juch, près de Douarnenez, voit l’alliance O.R.A-Vengeance concrétiser son rattachement officiel aux Forces françaises de l’intérieur (F.F.I) du Finistère. Ce mouvement contribuera ainsi à l’effort de la Libération au sein des unités combattantes du département.
L’Organisation de Résistance de l’Armée (ORA)
À la suite de l’invasion de la Zone Libre en novembre 1942, les militaires français de l’Armée d’armistice créent l’ORA pour lutter de façon active contre l’occupant allemand. L’initiative en revient, en janvier 1943, au général Frère (président du tribunal de Clermont-Ferrand qui condamna de Gaulle à mort par contumace en août 1940). Il est arrêté par la Gestapo le 16 juin 1943 et est déporté au Struthof en Alsace (celles et ceux qui y sont détenus sont destinés à disparaître sans laisser de traces) où il meurt d’épuisement le 13 juin 1944. L’ORA est ensuite dirigée par le général Verneau (qui sera arrêté le 23 octobre 1943, et mourra en déportation à Buchenwald le 14 septembre 1944), puis par le général Revers, avec pour adjoint le général Brisac.
Bien qu’apolitique, cette organisation clandestine se rallie aux idées du général Giraud et rejette initialement De Gaulle. L’ORA se développe rapidement dans le sud de la France, grâce aux cadres et à l’armement camouflé par l’Armée d’armistice quand celui-ci n’a pas été remis aux Allemands. Elle fusionne en février 1944 avec l’Armée secrète (A.S) et les Francs-Tireurs et Partisans (F.T.P) pour former les F.F.I, tout en conservant son autonomie.
En Bretagne, le premier chef régional provisoire de l’O.R.A. est le lieutenant André de Freslon, alias « capitaine Brosseau », qui installe son PC à Rennes. Il est remplacé à ce poste par le colonel Masnou, nommé par le général Revers chef régional de l’O.R.A. le 30 juin 1943. Son état-major est réduit à un adjoint (André de Freslon), et à 2 agents de liaison. Masnou essaie de mettre sur pied en Bretagne une organisation cohérente, en portant son effort sur les départements du Morbihan et du Finistère, départements qui compteront, au mois de juin 1944, respectivement 7 et 4 bataillons.
Pour le Finistère, l’implantation de l’O.R. A. est majoritairement dans le sud, à Douarnenez, Audierne et Quimperlé. Pour le pays de Brest, on ne trouve trace du mouvement qu’à Landerneau.
L’ORA du Finistère aura pour chef le capitaine Luc Robet, délégué du colonel Heurteaux, secondé dans sa tâche par un adjoint, l’abbé Cariou. Son autorité s’étendra aux éléments ORA, Corps francs « Vengeance », « National maquis » (chef Favreau).
Le secteur de Quimperlé, où l’on comptera au 6 juin 1944 un effectif très important – 1000 hommes – est commandé par le capitaine Sylvain Loyer qui prend pour adjoint l’architecte Pierre Brunerie. Ils installent leur PC d’abord dans une arrière-salle de l’hôtel de Bretagne pourtant occupé par cent cinquante Allemands, ensuite ils le transfèrent à Cleubeuz en Mellac.
Le 20 janvier 1944, le capitaine Luc Robet et André de Freslon, adjoint du général Masson, sont arrêtés à Rennes et torturés à la prison Jacques Cartier. Luc Robet est déporté le 29 mai 1944 à partir de Compiègne au camp de Neuengamme (Matricule 30383). Il adopte le pseudonyme de Tristan. Il est libéré le 2 mai 1945 à Wöbbelin. André de Freslon, lui, est déporté le 4 juin 1944 de Compiègne et arrive le 7 juin 1944 au camp de Neuengamme (Matricule 34722). Il est décédé le 12 avril 1945 à Bergen-Belsen en Basse-Saxe (Allemagne), à l’âge de 29 ans.
Le lieutenant Yvon Chancerelle remplace Robet. Il resserre le dispositif.
L’abbé Cariou travaille avec acharnement pour la fusion de tous les mouvements de résistance, jusqu’à son arrestation le 26 avril 1944. Il sera déporté à Neuengamme puis à Dachau à la fin de l’année 1944. Il reviendra des camps au mois de mai 1945. En dépit de cette arrestation, une entente de fait sur l’action commune entre Berthaud, chef FFI du Finistère, le commandant Quebriac et Yvon Chancerelle qui tient le PC dans son chalet Kernoalet au Juch.
Dans la région de Quimperlé, André de Neuville, véritable apôtre de la résistance militaire en Bretagne, très entreprenant, prospecte, recrute, organise des groupes de combat. Il est en liaison constante avec Plouay, Vannes, Auray et Quimper. C’est pourquoi, le 6 juin 1944, le capitaine Loyer se trouvera à la tête du bataillon le plus important qu’il pourra connaître au cours de sa carrière.
Les maquis
Symboles de la Résistance et de la libération de la France, les maquis ont pour origine l’opposition à la réquisition de la main d’œuvre pour le Reich, instaurée par la législation de Vichy (4 septembre 1942 et 16 février 1943). Ceux qui ne veulent pas d’un départ en Allemagne sont obligés de se cacher. Un processus d’essaimage de camps refuges se développe au cours du printemps 1943 à partir des premiers regroupements opérés depuis la fin 1942 dans les Alpes, le Jura ou le Massif central. Concentrés plutôt dans les massifs montagneux, les maquis sont aussi formés dans le bocage et les régions boisées. Leur formation requiert, outre une topographie protectrice, un point d’eau, la proximité d’une ferme pour le ravitaillement et la nécessité de liaisons pour obtenir les moyens armés par parachutage.
Cette première génération de camp n’a dans un premier temps qu’une fonction de refuge pour les réfractaires qui refusent de partir en Allemagne. Leur sort provoque au printemps 1943 une crise au sein des instances dirigeantes de la Résistance. Certains sont favorables à la mise en place d’un encadrement destiné à transformer les réfractaires en combattant. C’est le cas notamment d’Henry Frenay mais aussi des communistes qui cherchent rapidement à affilier les premiers camps à l’organisation des FTP dans les « campagnes rouges » où le parti est bien implanté. D’autres au contraire considèrent que les jeunes réfractaires n’ont pas assez d’expérience militaire et que les moyens sont insuffisants pour les former au maniement des armes. Cette position est notamment défendue par Jean Moulin en mars 1943 alors que les mouvements sollicitent une aide accrue de Londres pour encadrer les camps.
À l’automne 1943, les maquisards sont entre 30 000 et 40 000 environ. Ils ne représentent cependant que 15 à 20 % des réfractaires au STO. Beaucoup préfèrent trouver une couverture avec un emploi dans une exploitation agricole. D’autres continuent à se cacher dans des camps, mais ne sont pas forcément prêts à la discipline militaire et aux risques encourus. Des camps refuges n’ayant aucune fonction militaire existent jusqu’à la Libération.
Libération-Nord crée ses propres maquis par l’intermédiaire du réseau Cohors que coordonne ses chefs Jean Cavaillès puis Jean Gosset, en liaison avec le chef du service national maquis de zone Nord. Le premier maquis armé est celui de Poulmain, dans le Morbihan. Attaqué en février 1944, Mathurin Henrio, âgé de 14 ans et ayant aidé les maquisards, est abattu par les Allemands. C’est le plus jeune compagnon de la Libération. D’autres se forment plus au nord de la Bretagne, en Normandie, en Seine-et-Oise, en Eure-et-Loir et dans l’Aube. La formation de maquis est encouragée par le journal Libération-Nord. Jean Texcier, dans Libération du 25 janvier 1944, appelle les jeunes à se soustraire à la réquisition du travail pour l’Allemagne en rejoignant les rangs de la Résistance et « le cas échéant, les maquis ».
Les attentats et les sabotages augmentèrent considérablement au début de 1944 et à l’approche du débarquement, 350 attentats en mars et en avril dans le seul département des Côtes du Nord, particulièrement dans la région de Plouaret où la ligne de chemin de fer Paris-Brest fut constamment harcelée par le groupe F.T.P. « La Marseillaise ». Les groupes des F.T.P. furent très actifs dans l’action immédiate contre l’occupant mais ne disposaient pas toujours de l’armement souhaité. Les attaques contre les prisons et les hôpitaux pour délivrer les résistants se multipliaient comme à Lannion, St Brieuc, Vitré. A l’approche du Jour-J la région était dans un état insurrectionnel.
La répartition géographique des maquis était assez inégale : en Ille et Vilaine, leur nombre assez réduit, tandis qu’à l’ouest d’une ligne St Brieuc-Redon de nombreux maquis s’implantèrent, dès la fin 43, notamment dans le centre Bretagne, Roger Leroux en dénombre 24 en décembre 1943 dans le secteur Nord-Est du Morbihan, une dizaine dans l’ouest du département des Côtes du Nord à la fin mai 1944.
Les Forces Françaises de l’Intérieur
En février 1944, le Comité français de Libération nationale (CFLN) institue les Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) dans lesquelles fusionnent les groupements militaires de la Résistance intérieure qui ont décidé de mettre de côté leurs divergences pour organiser le débarquement du 6 juin. L’appel au soulèvement général engendre une extraordinaire mobilisation qui, au cours de l’été 1944, représente un ensemble de plusieurs centaines de milliers d’hommes armés, plus ou moins bien, grâce aux parachutages alliés. Au fur et à mesure de la libération du territoire, ces hommes sont intégrés dans l’armée régulière qui se reconstitue et poursuit les combats.
A Bannalec, le groupe FFI, qui se trouvait à La Roche, était sous le commandement du Capitaine Louis Lavat (instituteur au bourg). Il s’associa aux FTP « Guy Môquet » de Bannalec et les deux groupes rejoignirent le groupe « Louis d’Or » à Scaër.
Avec près de 200 000 hommes en juin 1944, les FFI sont les yeux et les oreilles des Alliés sur le territoire français grâce aux informations qu’elles fournissent sur les positions ennemies. Cette guerre du renseignement est terrible : le temps d’action des agents est d’en moyenne six mois avant de se faire arrêter. Malgré tout, les FFI aident à leurrer les Allemands sur le point de chute du Débarquement. Elles vont, en effet, faire croire à une arrivée des Alliés dans le Nord-Pas-de-Calais afin que les Allemands fortifient leurs défenses dans cette zone.
Durant tout le printemps et l’été 1944, les FFI mènent des opérations de lutte armée. À titre d’exemple, elles retardent considérablement l’arrivée de la division blindée SS Das Reich en Normandie. Basée dans le Sud-Ouest, cette dernière s’ébranle vers le front normand à l’annonce du Débarquement, provoquant les massacres à Tulle et à Oradour-sur-Glane les 9 et 10 juin. Le maquis dirigé par Georges Guinguoin attaque à plusieurs reprises la division pour l’acculer et limiter le renforcement des défenses allemandes sur le front normand.
Avec la libération de Paris, Charles de Gaulle s’est définitivement imposé comme le chef de l’État français. Dans sa volonté de « rétablir l’État », il s’interroge tout de même sur la place des FFI en dehors de tout cadre étatique. Cette question se pose particulièrement pour les communistes, principaux concurrents politiques.
Le 23 septembre, des décrets sont alors publiés pour intégrer les FFI au sein des troupes régulières : c’est l’« amalgame », terme employé pour qualifier la juxtaposition puis la fusion partielle de formations FFI et d’unités de l’Armée d’Afrique.