Le lourd tribut des bannalécois durant les premiers mois de la Guerre 14-18

Préambule

L’Allemagne déclare la guerre à la France le 3 août 1914. C’est le début de la première Guerre mondiale. Elle causera, en l’espace de quatre ans, plus de 18 millions de morts.

L’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, l’héritier du trône austro-hongrois, par un étudiant bosniaque à Sarajevo le 28 juin 1914 est vu comme la cause de ce premier conflit mondial.  En réalité, il n’en est que l’élément déclencheur, qu’un prétexte pourrait-on dire, dans une Europe traversée

  • par de graves tensions diplomatiques et géopolitiques,
  • par l’augmentation des dépenses militaires et par le renforcement des armées (Ce militarisme a créé un environnement dans lequel la guerre était considérée comme le meilleur moyen de résoudre les conflits),
  • par des rivalités entre les grandes puissances européennes, à la fois sur le continent et sur d’autres espaces, comme l’Afrique (c’est ce qu’on appelle l’impérialisme),
  • par des alliances militaires (La Triple Alliance entre l’Autriche-Hongrie, l’Allemagne et l’Italie, et la Triple Entente entre la France, la Grande-Bretagne et la Russie),
  • par la montée exponentielle des nationalismes (c’est le nationalisme serbe qui a conduit Gavrilo Princip à assassiner l’archiduc Franz Ferdinand).

En l’espace d’un mois, la quasi-totalité des puissances européennes se lance dans un conflit d’une ampleur inégalée. La plupart des puissances européennes disposaient en 1914 de plans de guerre élaborés pour mobiliser rapidement et attaquer leurs ennemis. Presque tout le monde s’attendait à une guerre brève et victorieuse, qui, comme on le disait à l’époque, serait « terminée à Noël ». Ils avaient tort.

La guerre de mouvement en 1914

La plupart des belligérants sont persuadés que la guerre sera courte : l’Allemagne est prise en tenailles entre la France et la Russie, la flotte britannique menaçant son approvisionnement par voie maritime. Élaboré depuis le début du siècle, le plan allemand, dit plan Schlieffen, prévoit de prendre à revers les armées françaises en passant par la Belgique avant de se retourner contre la Russie, plus lente à se mobiliser.

Le 3 août, les Allemands violent la neutralité de la Belgique. L’état-major français décide d’envoyer deux armées pour la secourir.

Moins de trois semaines après la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France, les deux armées passent à l’offensive. Des centaines de milliers de soldats s’alignent de la frontière suisse au Brabant belge, dans la chaleur de l’été. Du 20 au 24 août, la bataille des Frontières fait rage. La France en sort perdante. Seule la bataille de la Marne, du 6 au 12 septembre, permettra de mettre un terme à l’avancée allemande.
Les troupes françaises se portent à la rencontre des forces allemandes qui progressent en Belgique dans l’espoir de les prendre de flanc, les 21 et 22 août 1914. Une de ces journées fut particulièrement meurtrière : le 22 août 1914 surnommée le « Bloody Saturday ».

Le 22 août 1914, des centaines de milliers d’hommes s’engagent sur une quinzaine de terrains majeurs. Les batailles portent les noms de Virton, Bellefontaine, Neufchâteau, Ochamps, Bertrix, Maissin, Ethe ou encore Rossignol.

Entre l’aube et la tombée de la nuit, pas moins de 27 000 soldats français sont tués, soit deux fois plus que du côté allemand. C’est le jour le plus sanglant de l’histoire de l’armée française, toutes guerres confondues.

Les Bretons entrent dans la guerre

Le samedi 1er août 1914, les cloches des églises de France se mettent à sonner à toute volée et les Bretons entendent comme les autres le tocsin. 350.000 d’entre eux seront mobilisés tout au long du conflit.

Ce nombre s’explique par la structure démographique de la région. Le dernier recensement avant le conflit a eu lieu en1911 et il indique une population de 3.2 millions d’habitants. La région connaît un fort accroissement démographique naturel qui s’explique par un taux de fécondité encore élevé : une famille sur trois a plus de quatre enfants.

La population bretonne est donc très jeune : 41% des Bretons vivant à la campagne ont moins de 20 ans. Par conséquent, bon nombre de Bretons se retrouvent mobilisés : 65.4% des hommes âgés de 18 à 45 ans contre 56.7% pour la moyenne nationale.

Nos soldats, originaires de Bannalec, comme ceux de nombreuses communes du sud-Finistère, étaient enrôlés dans les Régiments d’Infanterie de Bretagne :

  • le 118ème de Quimper
  • le 19ème de Brest
  • le 116ème de Vannes

Entre le 4 et le 9 août 1914, la plupart des régiments bretons qui constituaient la 5ème Armée, sont acheminés en train vers la frontière belge. Le 8 août ils ont pour mission la surveillance des Ardennes, à l’époque frontière avec l’Allemagne depuis la perte de l’Alsace et la Lorraine en 1870.

La Bataille de Maissin, 22 août 1914

C’est dans le village de Maissin, carrefour stratégique situé au milieu d’une clairière de la forêt des Ardennes que les Bretons rencontrent pour la première fois l’ennemi.

Ils arrivèrent à Maissin, une commune de 200 habitants, et le 22 août, l’ordre fut donné d’aller attaquer les Allemands sans aucune préparation militaire, en rase campagne, avec des équipements non appropriés (pas de casque, des pantalons rouges, des fusils Lebel compliqués d’utilisation, la baïonnette au poing et un paquetage de plus de 20 kg).

Les Allemands, abrités dans les tranchées et protégés par de nombreuses clôtures en fil de fer, essaient d’arrêter par des feux meurtriers la marche du régiment. Ce fut un véritable carnage.

Mais après sept heures de combat contre la 25e Division d’infanterie de Hesse du 18e Corps d’Armée allemand, Maissin est provisoirement aux mains des Français le 22 août. Les Allemands reçoivent des renforts dans la nuit et reprennent le village le lendemain. Lors du combat, plus de 70 maisons sont incendiées, seules 25 maisons restent debout, le bétail est décimé, les récoltes ravagées et dix habitants meurent au cours de la bataille. D’autres sont fusillés par les Allemands. Les pertes sont quasi équivalentes dans les deux camps. L’armée française perd près de 4000 hommes parmi lesquels 2700 bretons dont 7 Bannalécois :

  • Louis René Berthou
  • René Heurt
  • Jean Guillaume Huiban
  • René Jossic
  • Alain Christophe Marie Le Durand
  • Auguste Pierre Monchicourt
  • Yves Ster

Comme tous les combats livrés ce jour-là, celui de Maissin est particulièrement meurtrier et peut en cela être comparé à ceux auxquels participe le 10e corps d’armée – celui de Rennes, qui mobilise cependant aussi des combattants venant de la Manche – à proximité de Charleroi par exemple.

Mais ces combats sont aussi moins meurtriers que d’autres : à Bertrix, le 17e corps d’armée venu de Toulouse, à Rossignol, le 1er corps d’armée colonial mobilisé à Brest et Lorient mais aussi à Cherbourg, Rochefort etc. subissent des pertes bien plus importantes.

Et, dans les semaines et les mois qui suivent, de nombreuses unités bretonnes font face à des combats bien plus terribles encore : le 41e RI, le régiment de Rennes, subit, les 3 et 4 octobre 1914 à Neuville-Vitasse, des pertes humaines sans aucun rapport avec celles de Charleroi et de Maissin.

En fait, si la bataille de Maissin tient une place particulière dans la mémoire des Bretons, ce n’est pas tant par sa dimension militaire que par l’action menée par des anciens combattants de la 22e DI (celle de Vannes) et, plus encore, du 19e RI (le régiment de Brest), qui a conduit au transfert du calvaire breton du Tréhou, datant du XVIème siècle et classé monument historique, du Finistère en Belgique où il a rejoint le cimetière de Maissin. Inauguré le 21 août 1932 au cœur de la nécropole franco-allemande, celui-ci commémore le sacrifice des Bretons. Un poème donne voix à ce calvaire en ces termes :

La violence de ces quelques jours d’août 1914, et notamment du 22 août, est un peu passée sous silence aujourd’hui. Elle est souvent méconnue ou minimisée par l’Histoire. Comment expliquer que l’opinion publique connaisse, au moins de nom, les batailles de la Marne, de la Somme ou de Verdun, mais pas celle de Maissin ?

Sans doute parce qu’elle préfère retenir les faits constructifs plutôt que les échecs cinglants où le commandement de l’armée est directement mis en cause.

La bataille de la Marne du 6 au 12 septembre 1914 et « la course à la mer » du 25 septembre au 12 octobre 1914.

Lorsque le 11e corps d’armée débordé sur ses ailes se replie au sud de la Meuse, le 19e est à l’arrière- garde et défend les abords de Sedan (qui sera occupée par les Allemands le 26 août) ; il prend une part brillante, le 27 août, à la bataille de Chaumont-Saint-Quentin et bouscule jusqu’à la Meuse un ennemi pourtant très supérieur en nombre.

Malgré le succès de quelques contre-attaques pour contenir les troupes allemandes, les armées alliées se retirent progressivement de la ligne de front (c’est la Grande Retraite) et descendent vers la Marne.

Après avoir reçu d’importants renforts, les régiments bretons participent à la bataille de la Marne et livrent à Lenharrée, les 6, 7 et 8 septembre, de furieux combats, puis poursuivent les Allemands en retraite par Châlons et Suippes jusqu’à la ferme des Vacques.

L’armée française réussit à stopper l’avancée allemande sur la Marne le 12 septembre 1914.

Après la bataille de la Marne, les états-majors allemands et français pensent que le seul moyen de remporter la victoire est d’essayer de déborder l’adversaire par le Nord-Ouest entre l’Oise et la mer du Nord. Cette période de la guerre de fin septembre au 12 octobre 1914, est appelée « course à la mer ».

La 22e D.I., transportée dans la Somme, livre, les 6 et 7 octobre, les combats de Thiepval. Tout ce secteur de la Somme mettait aux prises, depuis la fin septembre 1914, Allemands et Français, dont le 19ème RI. Fin septembre, ce régiment était positionné sur la ligne de chemin de fer, reliant Albert à Arras, à hauteur de Hamel, et tenta quelques incursions dans le bois d’Authuille en direction de Thiepval où les Allemands s’étaient retranchés dans le village et son château. Le front se stabilise de l’Oise à la mer du Nord. Cette confrontation et celles qui suivent ne permettent pas à l’un des deux camps de l’emporter. La guerre de mouvement se transforme alors en guerre de tranchées

La bataille d’Ovillers-La Boisselle

Le 17 décembre 1914, afin de tromper l’ennemi en vue des offensives d’Artois et de Champagne, Joffre ordonna des opérations secondaires sur différents points du front dont une attaque sur Ovillers, menée par le 19ème RI de Brest, renforcé par un groupe de volontaires du 116e RI et un du 337e RI, et une autre attaque sur La Boisselle, menée par le 118ème RI de Quimper.

L’ennemi connaissant le projet de l’attaque a renforcé ses effectifs en première ligne. Malgré cela, le commandement maintient l’offensive sans préparation d’artillerie.

  • A 6 heures du matin, le 17 décembre, les soldats du 19e régiment d’infanterie, s’élancent à l’attaque d’Ovillers.

L’assaut déclenche la riposte de l’ennemi qui écrase les hommes sous une fusillade intense et un terrible bombardement qui les clouent sur place. Le 19ème RI est toute la journée sous le feu de l’ennemi. De plus, la destruction des réseaux de fil de fer en avant des lignes ennemies n’a pu être complètement achevée. Les hommes se heurtent à ces obstacles infranchissables. Malgré tout, vers 7h, ils réussirent à s’emparer d’un blockhaus situé en avant d’Ovillers. Mais en fin de matinée le blockhaus est repris. La bataille est perdue.

Plus de la moitié des hommes qui tentent de se replier en plein jour est tuée sur place.

L’échec est total et sanglant Le nombre de morts pour le 19e régiment d’infanterie est d’environ 300 et celui des blessés ou faits prisonniers ce jour-là se monte à 500. Le régiment est décimé.

La famille du lieutenant Augustin de Boisanger qui, grièvement blessé, refusa de se laisser évacuer en déclarant : « je n’abandonne pas mes Bretons », fit ériger, en 1924 à la Boisselle, un calvaire typiquement breton, en la mémoire du lieutenant et des soldats du 19e RI tombés dans la plaine picarde lors de l’attaque du 17 décembre 1914.

  • L’attaque du 118e régiment d’infanterie sur La Boisselle fut reportée au 24 décembre à cause des difficultés à détruire les réseaux ennemis et à s’opposer avec succès à leur artillerie. Ce jour-là, après un violent bombardement, le 118e attaque La Boisselle et réussit à enlever l’îlot de maisons situé au sud-est du village mais sans pouvoir aller au-delà. A la nuit, le terrain conquis est solidement organisé et défendu. Mais le 118ème a subi des pertes sérieuses parmi lesquelles 7 Bannalécois :

François Joseph Guillou
Yves Pierre Marie Kervean
Jacques Le Goc
Louis Jean Marie Le Goc
Michel Louis Nelias
François Nerzic
Jean Sann

Au total en 4 mois de guerre seulement, près de 52 Bannalécois ont été tués sur les différents champs de bataille soit environ 15% des soldats de la commune morts au front durant tout le conflit.

Noms et PrénomsDates de décèsLieux de décès
BERNARD François04/11/1914Bar-le-Duc (Meuse)
BERTHOU Louis René22/08/1914Maissin, Belgique
BEULZE Guillaume Yves30/08/1914Tourteron (Ardennes)
BOEDEC Corentin03/12/1914Vienne-le-Château (Marne)
BRETON Pierre14/12/1914La Fère (Aisne)
CANIVET Léopold Jean Marie.01/11/1914Vienne-le-Château (Marne)
CLECH Louis24/08/1914Longuyon (Meurthe-et-Moselle)
CUZIAT Jean Baptiste Jules Marie17/12/1914Ovillers-la-Boisselle (Somme)
DEROUT Louis Marie31/12/1914Lachalade ( Meuse)
DERRIEN Christophe Joseph06/10/1914Dijon (Côte-d’Or)
FICHE François René Joseph19/09/1914Chaumont-sur-Aire (Meuse)
FOURMENTIN Yves Marcel Auguste29/08/1914Murvaux (55 Meuse)
GILLES Pierre Louis14/12/1914 Foncquevillers (Pas-de-Calais)
GOC François Joseph27/09/1914Brimont (Marne)
GORIN Guillaume Marie08/09/1914Broussy-le-Petit ( Marne)
GOURLAY Louis30/08/1914Tourteron (Ardennes)
GUERNALEC Louis Guillaume31/10/1914Wailly (Pas-de-Calais)
GUILLORET Pierre Louis30/08/1914Le Sourd (Aisne)
GUILLOU François Joseph24/12/1914Ovillers-la-Boisselle (Somme)
GUILLOU Joseph François07/09/1914 Vassimont-et-Chapelaine (Marne)
GUILLOU Louis03/10/1914Neuville-Vitasse (Pas-de Calais)
GUILLOU Yves Louis Cor07/09/1914Vassimont-et-Chapelaine (Marne)
HELIAS Jean René15/12/1914Wanquetin (Pas-de-Calais)
HERVÉ Jean09/09/1914Janvilliers (Marne)
HEURT René22/08/1914Maissin Belgique
HEURTE René Guillaume07/09/1914Vassimont-et-Chapelaine (Marne)
HUELVARD François18/09/1914Joinville (Haute-Marne)
HUIBAN Jean Guillaume22/08/1914Maissin Belgique
JAOUEN Jacques Jean Corentin30/08/1914Guincourt (Ardennes)
JOSSIC René22/08/1914Maissin Belgique
KERVEAN Yves Pierre Marie24/12/1914Ovillers-la-Boisselle (Somme)
LANCIEN Louis René Joseph16/09/1914Champenoux (Meurthe-et-Moselle)
LE DOEUFF Jean Louis23/09/1914Dudelange Luxembourg
LE DURAND Alain Christophe Marie22/08/1914Maissin Belgique
LE GOC Jacques24/12/1914Ovillers-la-Boisselle (Somme)
LE GOC Louis Jean Marie24/12/1914Ovillers-la-Boisselle (Somme)
MANN Pierre15/09/1914Ville-sur-Tourbe (Marne)
MONCHICOURT Auguste Pierre22/08/1914Maissin Belgique
NAOUR Alain Yves24/12/1914Combles (80 Somme)
NELIAS Michel Louis24/12/1914Ovillers-la-Boisselle
NERZIC François24/12/1914Ovillers-la-Boisselle (Somme)
POULIQUEN Louis22/08/1914Anloy, province de Luxembourg Belgique
SALAÜN Louis Adolphe Gustave20/08/1914Oron (Moselle)
SANN Jean24/12/1914Ovillers-la-Boisselle ( Somme)
SENECHAL Joseph Julien22/09/1914Moulin-sous-Touvent (Oise)
SINQUIN Yves Joseph18/12/1914Quimper (Finistère)
STER Yves 22/08/191422/08/1914Maissin Belgique
TAHERON Corentin08/11/1914Quimper (Finistère)
TALLEC Joseph25/09/1914Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor)
THIEC François Marie Arnet08/09/1914Betz (Oise)
TREFLEZ François Louis Marie10/11/1914Bikschote, province de Flandre Occidentale Belgique
TROADEC Emmanuel Louis Léon28/08/1914Noyers-Pont-Maugis (Ardennes)