François, Louis Le Bihan1 naît le 11 janvier 1893 à Bannalec, au lieudit Kerneuzec (Finistère). Son premier prénom, « Francois », sera le prénom usuel par lequel il sera appelé dans la vie courante. Il est le fils de Marie Hélène Brod (22 mars 1861 – 30 janvier 1933), 29 ans, ménagère, et de Louis Le Bihan (6 août 1855 – 4 janvier 1919), 36 ans, petit cultivateur, son époux. La famille a compté jusqu’à sept enfants2.
Après avoir obtenu son certificat d’études à 12 ans, François Le Bihan rejoint son frère aîné, Yves Joseph Le Bihan, militaire affecté à Saint-Germain-en-Laye. Celui-ci le place chez des maraîchers de la région d’Achères (Yvelines) avec lesquels il effectue des livraisons de légumes aux Halles de Paris.
Puis, quand il a 18 ans, son frère l’encourage à s’engager dans la marine. François Le Bihan fait ses classes comme radioélectricien, puis est envoyé à Saïgon où il se trouve quand éclate la guerre de 1914 (Pendant la colonisation française, Saïgon fut d’abord la capitale de la Cochinchine en 1862, puis celle de l’Indochine française de 1887 à 1901). Au cours d’une patrouille en mer dans le Sud-Est asiatique, il est capturé par les Allemands et interné dans l’une des îles (Java) de l’archipel Bismarck (Colonie allemande de 1884 à 1914). Après avoir signé, auprès de la « Kommandantur », un engagement de ne plus combattre les allemands, il est rapatrié en France et à la fin de l’année 1917, il est affecté comme radiotélégraphiste au fort du Chay, à l’embouchure de la Gironde (près de Royan).
C’est là qu’il rencontre Germaine Jaganet, née le 5 octobre 1899 à Bordeaux et venue habiter chez sa tante après le décès de sa mère en 1914. Ils se marient en 1918 et s’installent, en mars 1919, au 32 rue de la République à Royan. Leur fille, Marguerite, Marie, Cécile, naît le 10 avril 1919. Elle sera leur unique enfant.
Après avoir été démobilisé officiellement le 8 août 1919 (3 ans, 3 mois, 17 jours « en mer », et 4 ans, 6 mois, 4 jours « à terre »), François Le Bihan rejoint la région parisienne trois mois plus tard et installe sa famille à Chatou (dans l’ancienne Seine-et-Oise), au 19 rue du Lieutenant Ricard.
Avec l’appui de sa belle-famille, il est embauché aux établissements Pathé à Chatou, lieu de production de la nouvelle « Compagnie des Machines Parlantes » d’Émile Pathé. Mais il est renvoyé dès 1920 pour fait de grève. Tant qu’il mentionne son passage chez cet employeur dans ses demandes d’embauches, ces dernières sont rejetées par les recruteurs quand ils apprennent les causes de son licenciement.
Décidant de ne plus faire état de son expérience professionnelle chez Pathé et racontant avoir toujours été cultivateur depuis sa démobilisation, il est finalement pris à la Compagnie parisienne de distribution d’électricité (CPDE) où il entre le 1er octobre 1920. Il est ouvrier électricien à la sous-station électrique de la rue de Bondy (aujourd’hui rue René-Boulanger), dans le dixième arrondissement de Paris.
Membre de la SFIO (Section Française de l’Internationale Ouvrière), François Le Bihan fait partie de la majorité des socialistes français (3252 mandants sur 4763) qui décide de rejoindre l’Internationale Communiste à l’issue du congrès de Tours en décembre 1920 et de prendre le nom de « Section Française de l’Internationale Communiste » (SFIC), renommée, en 1921, « PC-SFIC », pour ne devenir « PCF » qu’en 1943.
En octobre 1921, la famille Le Bihan a déménagé au 6 place de l’église au Vésinet (dans l’ancienne Seine-et-Oise).
François Le Bihan milite très activement au Syndicat CGTU (Confédération Générale du Travail Unitaire) des producteurs d’électricité. En 1926, il est élu à la Commission exécutive de la Fédération CGTU des Services publics, hospitaliers, éclairage et force motrice jusqu’à sa dissolution en 1939. Il est un des proches de Marcel Paul qui, de 1931 à 1936, occupe le poste de secrétaire général de cette Fédération (il deviendra ministre communiste après la seconde guerre mondiale). Ensemble ils dirigent la fraction communiste des services publics.
En 1931, François Le Bihan est classé « Affecté spécial » au titre de la réserve de l’armée active en tant qu’électricien à la CPDE (l’affectation spéciale est une affectation donnée, dans la disponibilité et la réserve du service militaire, à certains personnels, en raison de leur situation civile et/ou de leurs capacités professionnelles, pour faire partie des corps spéciaux ou de cadres d’assimilés spéciaux).
Militant au Secours rouge international (Créé en 1922 à Moscou, le SRI était une organisation caritative internationale liée à l’Internationale Communiste), il héberge avec son épouse de nombreux responsables communistes étrangers, en séjour ou en transit, dans une chambre réservée à cet effet dans l’appartement familial, d’abord au Vésinet jusqu’en 1933, puis 4 square du Vexin à Paris 19ème , et enfin, à partir de 1935, au 8 rue Louis-Ganne à Paris 20ème , à l’angle de la rue Louis Lumière, Porte de Bagnolet, dans un de ces immeubles en briques oranges appelés « Habitations Bon Marché » qui sont édifiés depuis 1920 tout autour de la Capitale et réservés aux foyers modestes et populaires.
En mai 1936, dans « Le Producteur d’électricité », François Le Bihan signe un article célébrant la victoire électorale du Front populaire.
À la déclaration de guerre le 3 septembre 1939, François Le Bihan a quarante-six ans. Réserviste, il n’est pas rappelé puisqu’ayant reçu une « affectation spéciale », il est mobilisé sur son lieu de travail, la CDPE. Mais, en raison de ses activités politiques et syndicales, il est arrêté le 13 avril 1940 à son domicile du 8 rue Louis Ganne. Jugé et condamné pour « infraction aux décrets Daladier3 et reconstitution de ligue dissoute », il est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (En avril 1940, la proportion de communistes écroués à la Prison militaire de Paris est plus importante que les registres d’écrou ne le laissent paraître : si 22,32 % sont clairement identifiés pour leur « activité communiste ou syndicaliste », d’autres délits leur sont également imputables : « abandon ou refus de travail, freinage de la production, sabotage, propos défaitistes, subversifs et antinationaux »).
Révoqué de son emploi à la CPDE dès son arrestation, François Le Bihan est aussi rayé, le 27 avril 1940, de l’affectation spéciale comme la quasi-totalité des « affectés spéciaux » connus comme syndicalistes ou communistes ou soupçonnés d’appartenance au Parti communiste.
Le lundi 10 juin, devant l’avancée allemande, Georges Mandel, ministre de l’Intérieur, ordonne l’évacuation des deux établissements de la prison militaire de Paris, celui de la rue du Cherche Midi (Paris 6ème) et celui de la maison d’arrêt de « La Santé » (Paris 14ème).
En début de soirée, François Le Bihan fait partie des 1559 détenus – prévenus et condamnés – « sortis ce jour » de la Maison d’arrêt et entassés dans un convoi formé d’autobus réquisitionnés de la Société des Transports en Commun de la Région Parisienne (95 % des déportés juifs, mais aussi de très nombreux résistants et communistes, ont été́ convoyés par les bus de cette société privée sur ordre du Gouvernement de Vichy pour être ensuite acheminés en train vers les camps d’extermination et de concentration).
Ces bus de la honte ont les stores baissés et les vitres fermées et opacifiées par de la peinture. Ce cortège rejoint celui des 297 prisonniers du Cherche-Midi transportés dans des camions militaires bâchés. Il semble bien que la plus grande improvisation ait présidé à ce repli, puisque la destination prévue était, à l’origine, la prison d’Orléans (Loiret), mais qu’il n’en fut rien. Le transfert des prisonniers et des gardiens est effectué dans le plus grand désordre, sous le bruit assourdissant des avions de chasse qui survolent le convoi, les détenus étant enchaînés deux par deux, pendant une vingtaine d’heures.
Le 11 juin, la « procession » arrive devant les portes de la prison d’Orléans (Loiret), qui, déjà surpeuplée, ne peut plus accueillir de prisonniers. Dès lors, deux convois se forment. L’un, de 825 détenus, tous issus de la Maison de la Santé se dirige vers le camp d’aviation des Groües, proche de la gare orléanaise des Aubrais. L’autre poursuit sa route jusqu’à Vésines, à proximité de Montargis. De là, deux groupes de prisonniers, 904 d’abord, 136 ensuite, rejoignent les bâtiments désaffectés de l’ancienne verrerie de Montenon, située à moins d’un kilomètre au sud du village de Cepoy, en bordure du canal du Loing, près de de Montargis, et qui fait office de camp de transit, le temps d’une étape, au cours du repli qui devait les conduire jusqu’au camp de Gurs4 (Basses-Pyrénées / Pyrénées-Atlantiques).
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.
Le samedi 15 juin, les 1040 détenus, qui forment la « colonne Cépoy », repartent pour rejoindre l’autre groupe au camp d’Abord, à l’Est de Bourges (Cher). Mais cette fois, plus question d’autobus, ils se déplacent à pied, en colonne, suivant le chemin de halage des canaux du Loing puis de Briare : première étape, longue de dix-huit kilomètres, Cepoy-Montcresson ; deuxième étape, Montcresson-Briare. Il sont escortés par un détachement de soldats du 51e régiment régional, de tirailleurs marocains et de deux compagnies de gardes mobiles sous la conduite d’un capitaine qui applique à la lettre les ordres reçus : ne laisser personne derrière, le refus de marcher étant considéré comme tentative d’évasion, les soldats peuvent tirer sans faire de sommation (treize « traînards » – en réalité des prisonniers âgés, épuisés ou malades – sont exécutés sommairement par les gardes mobiles et les coloniaux qui encadrent la colonne). Néanmoins, des évasions (plusieurs centaines) se produisent déjà sur le trajet.
Le 18 juin, quand la longue colonne de prisonniers arrive finalement aux environs de Neuvy-sur-Loire, c’est la confusion : les troupes allemandes atteignent le secteur et les ponts permettant de traverser le fleuve ont été détruits. Profitant de l’absence de commandement et de la pagaille généralisée, des gardes désertent et de nombreux prisonniers, livrés à eux-mêmes, s’égaillent dans la nature. Quelques-uns réussissent à passer la Loire. Ceux qui se présentent spontanément dans les gendarmeries sont arrêtés, puis à nouveau internés.
Le 21 juin, ce sont 1020 détenus sur les 1865 au départ de Paris qui arrivent au camp de Gurs, terminus de cet exode pénitentiaire. Ils y resteront plusieurs mois, jusqu’au début de l’hiver.
François Le Bihan fait partie de ceux qui se sont échappés. Depuis Sully-sur-Loire, il regagne Paris à pied et rejoint son domicile parisien le 25 juin. Il apprend la mort de sa petite-fille, Françoise, décédée de la diarrhée des nourrissons le 12 juin. Elle était le premier enfant (née le 2 novembre 1939) de sa fille Cécile et de Henry Tanguy (plus connu sous le nom de « Rol-Tanguy »).
Révoqué de son emploi à la CPDE dès son arrestation, François Le Bihan reste quelques mois sans travail. Il accepte la proposition de devenir, avec son épouse, le concierge de l’immeuble du 4 rue du général Appert (16e), siège de la légation de l’URSS (Représentation diplomatique d’un gouvernement auprès d’un État où il n’a pas d’ambassade) où il exercera aussi la fonction de chauffeur. Il suspend alors son activité clandestine de militant communiste.
Le 22 juin 1941, Hitler lance ses armées à l’attaque de l’Union Soviétique. Ce même jour, les Allemands, sur la base de listes fournies par le régime collaborationniste de Vichy, arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. Cette rafle avait pour nom « Aktion Theoderich ». C’est dans le cadre de cette opération de répression que François Le Bihan est arrêté une nouvelle fois, mais par la police allemande, au siège de la légation soviétique. Sa femme et sa fille réussissent à échapper à l’arrestation.
François Le Bihan est conduit dans les jours suivants au camp allemand de Royallieu5 à Compiègne (Oise), placé sous l’administration militaire allemande et gardé par un détachement de la Wehrmacht. Le camp de Royallieu n’est pas un camp allemand comme les autres en France.
En effet, il est à la fois un camp d’otages et de représailles. Les détenus de ce camp constituent un vivier pour les autorités allemandes. Quand elles ont besoin d’otages à fusiller — à titre de représailles après les attentats contre les Allemands et après les actes de sabotage — elles viennent puiser dans la population des détenus politiques et/ou dans celle des Juifs. Les otages sont fusillés (pour la plupart au Mont-Valérien). Quant aux internés suspects d’activités antiallemandes, ils sont déportés dans des camps de concentration en Allemagne.
Le camp de Royallieu comprend plusieurs secteurs qui sont, en réalité, des camps à part :
- Le camp A, dit le « Camp des Français ». C’est là que sont internés les communistes puis, plus largement, les résistants.
- Le camp B, dit le Camp des Américains. Y sont internés des civils des puissances ennemies de l’Allemagne (britanniques, citoyens des Etats-Unis et d’Amérique du Sud, Russes, Yougoslaves…).
- Le camp C. Isolé des deux autres camps par des fils de fer barbelés, il est occupé presqu’exclusivement par des Juifs français à partir de décembre 1941. Y seront regroupés les détenus amenés fin janvier 1943 de Marseille, après la rafle et la destruction du quartier du Vieux-Port les 22, 23 et 24 janvier 19436, mais aussi les internés des convois constitués en attente de leur déportation.
Le camp A où est enfermé François Le Bihan comprend huit bâtiments. Les occupants de chaque bâtiment ont nommé un chef appelé « responsable ». Désigné « Responsable du bâtiment A3 », selon Maurice Hochet (militant communiste arrêté par la police de Flers le 13 septembre 1941 et interné comme otage à Compiègne le 24 novembre 1941), François Le Bihan participe activement à l’organisation communiste clandestine du camp, dont il est l’un des dirigeants avec l’avocat Michel Rolnikas (fusillé comme otage au Mont-Valérien le 20 septembre 1941 avec onze autres prisonniers dont cinq communistes), le député de la 3ème circonscription du 11ème arrondissement de Paris, Georges Cogniot (qui, avec 18 autres détenus, réussit à s’échapper du camp de Compiègne dans la nuit du 22 au 23 juin 1942) et l’instituteur Georges Varenne (responsable de la réorganisation clandestine du Parti Communiste dans l’Yonne, arrêté par la police allemande le 21 juin 1941, interné successivement à Troyes, Auxerre, puis au camp de Compiègne, mort vers le 15 septembre 1942 à Auschwitz-Birkenau). Les internés politiques du camp A mettent en place, entre l’été 1941 et novembre 1943, sous la houlette du doyen communiste Georges Cogniot, « une véritable politique culturelle ». Des conférences d’anglais, de philosophie politique, d’histoire, de lettres ou de sciences étaient organisées dans les baraques.
Entre fin avril et fin juin 1942, François Le Bihan avec plus d’un millier d’otages communistes et une cinquantaine d’otages Juifs a été déporté en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne. Plusieurs rescapés décrivent François Le Bihan marchant en tête de la colonne avec Georges Varenne. Arrivés à la gare, ils sont entassés dans des wagons de marchandises. Le train part, une fois les portes verrouillées, à 9h30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont vivants à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ils sont enregistrés et photographiés au camp principal7, (dénommé « Auschwitz-I » à partir de 1943) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi.
On ne connaît pas exactement le numéro de matricule de François Le Bihan. Lors de son enregistrement à Auschwitz, il donnera comme adresse pour contacter ses proches la boulangerie Vermeire au 46, rue de Spontini à Paris 16ème.
Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos (unités de travail forcé).
Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des « 45000 » à Birkenau – François Le Bihan fait partie de la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Là, il est affecté à la construction des routes, un des Kommandos les plus meurtriers, où il suscite l’admiration de ses compagnons, qui insistent sur sa dignité, sa confiance, et sa générosité.
83 % des « 45.000 » meurent dans les six premiers mois qui suivent leur arrivée à Auschwitz. A Birkenau, la mortalité est plus élevée que dans le camp principal. En mars 1943, ils ne sont plus que 154 survivants au camp principal et sur les 600 « 45000 » demeurés à Birkenau, ils ne sont plus que 25. Ils ont à subir la cruauté des conditions de détention : la rudesse du climat de Haute-Silésie, un travail forcé exténuant, la faim omniprésente, la dureté des kommandos de travail, l’absence de soins. Des « 45000 » sont, dès les premiers jours, victimes d’assassinats par les SS ou par les détenus qui servent de gardiens (les Kapos…). Les Juifs du convoi sont parmi les premiers tués. L’épidémie de typhus qui se déclare en août 1942 et les séances de désinfection qui l’accompagnent sont également très destructrices, surtout après la venue du froid. Très affaiblis, des centaines de « 45000 » sont sélectionnés pour la chambre à gaz comme « inaptes au travail » parmi lesquels François Le Bihan.
François Le Bihan meurt à Auschwitz 19 septembre 1942, soit un peu plus de deux mois après son arrivée, d’après les registres du camp. Parmi les centaines de détenus assassinés dans les chambres à gaz et déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18 et 19 septembre 1942, cent quarante-huit font partie du convoi des « 45000 ».
René Aondetto (militant communiste et syndicaliste enregistré sous le matricule 45175) a tenu à prévenir Germaine Le Bihan du décès de son époux, dès qu’il a eu la possibilité d’écrire à sa propre épouse Madeleine, qui avait eu un contact avec Germaine lorsque leurs maris étaient à Compiègne. Dans sa lettre (le 4 juillet 1943) il la prie de transmettre son amitié à madame « Vve Le Bihan », pensant avec raison que le SS qui contrôlait les lettres ne connaîtrait pas la signification de cette abréviation.
Sur les 1170 déportés du convoi du 6 juillet 1942, seuls 119 étaient encore en vie au jour de la victoire sur le nazisme, le 8 mai 1945.
François Le Bihan est déclaré Mort pour la France et homologué comme Déporté politique.
Une plaque rappelant sa mémoire a été apposée à son ancien domicile, 8 rue Louis-Ganne à Paris 20ème arrondissement.
Son nom est également gravé sur la plaque apposée « à la mémoire des dirigeants de syndicats tombés dans les combats contre le nazisme, pour la libération de la France » à la Bourse du travail de Paris, 3 rue du château d’eau dans le 10ème arrondissement.
François Le Bihan est homologué comme Résistant, au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 346370.
Sa femme, Germaine Le Bihan, fut agent de liaison de l’EM-FFI de l’Ile-de-France en 1944.
Sa fille Cécile, entrée dans la résistance dès la fin juin 1940, était l’épouse d’Henri Tanguy plus connu sous le nom de « Colonel Rol Tanguy », héros de la Résistance, chef militaire régional des FFI de l’Ile de France et l’un des principaux artisans de la libération de Paris.
- Cette notice biographique a été réalisée à partir de plusieurs sources documentaires : le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom. Tome 34 ; « La Prison militaire de Paris sur les routes de l’Exode »« Arkheia » n° 14-15-16, 2004, p. 18-25, Blog de Jacky Tronel ; Musée de la résistance, biographie de Cécile Rol-Tanguy ; Claudine Cardon-Hamet « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000.
↩︎ - 1– Une fille mort née le 9 mars 1883 au village de Kerzedan et son jumeau Louis Yves décédé le lendemain
2– Yves Joseph né le 23 février 1884 au village de Kerneuzec. Militaire de carrière au 303ème régiment d’infanterie, il est décédé comme sergent à l’hôpital temporaire N°5 de Verdun des suites de ses blessures au combat de Fresnes en Waigre le 16 octobre 1914. Acte de décès transmis à Marly le Roi le 16 octobre 1914.Il s’est marié à Chatou le 4 avril 1914 avec Elisa Félicie Goupry. Il n’a pas connu son fils Roland Joseph né à Chatou le 20 avril 1915. Ce dernier est décédé à Bessancourt dans le Val d’Oise le 24 mars
1961. Instituteur, il s’est marié à une institutrice Yvonne Berthe Célestine Gilles le 18 septembre 1937 à Saint Aubin de Locquenay (72). Deux enfants sont recensés Claude Roland et Jacques Yves Le Bihan.
3– Marie Louise née le 9 juillet 1887 au village de Kerneuzec. Décédée le 25 septembre 1960 à Bannalec
Elle donne naissance à une fille Marie Elisa de père inconnu le 15 décembre 1909. Elle la reconnaitra le 16 janvier 1914. Marie Elisa se marie avec Edmond André Kubler à Colombes (92) le 17 avril 1937 où elle décédera le 29 mars 1990.
Marie Louise se marie à Bannalec le 26 octobre 1926 à Samuel Marie Hémon, né à Guiscriff le 7 décembre 1903 et décédé à Quimperlé le 9 août 1970. De cette union, trois enfants ont été recensés
– Roger Louis Samuel né à Kerneuzec le 8 décembre 1927. Décédé à Quimperlé le 15 mars 2013. Marié à Bannalec le 18 avril 1950 à Odette Marie Françoise Jambou, décédée en 2014.
– Louis Samuel François né à Kerneuzec le 26 avril 1930. Décédé à Quimperlé le 15 mars 2002. Marié le 28 juillet 1956 dans le 8ème arrondissement à Paris avec Marie Louise Bourhis.
– Marie Louise née à Kerneuzec le 25 décembre 1931, décédée deux jours plus tard.
4-François Louis né à Kerneuzec le 11 janvier 1893
5- Louis né à Kerneuzec le 7 juillet 1898. Tué à l’ennemi sur le champ de bataille à Olsène le 24 octobre 1918 près de La Lys en Belgique.
6- Albert Joseph né à Kerneuzec le 29 mai 1904 et décédé le 6 novembre 1906.
↩︎ - A partir du mois d’août 1939, le gouvernement Daladier mène une opération politique de grande ampleur contre les communistes français, avec successivement : l’interdiction des publications et la saisie des journaux communistes (24-25 août 1939), la dissolution des organisations communistes (26 septembre 1939), l’internement administratif (18 novembre 1939), la déchéance des élus (20 janvier 1940).
Le gouvernement dirigé par Paul Reynaud, qui succède à Daladier le 21 mars 1940, surenchérit dans la lutte contre les communistes en faisant encourir la peine de mort aux militants (décret Sérol du 10 avril 1940).
↩︎ - Le camp de Gurs est situé en Béarn, approximativement au centre du département des Pyrénées-Atlantiques, à 20 kms à l’est d’Oloron-Sainte-Marie et à 5 kms de Navarrenx. Il fut un des plus vastes que la France ait connu à cette époque : 2 kms de long sur 500 mètres de large. Il se composait de 13 îlots, dénommés chacun par une lettre de l’alphabet, de A à M. Chaque îlot comprenait 25 baraques environ. Les baraques d’internement étaient en bois ; elles mesuraient 30 mètres sur 6 ; lorsqu’elles étaient pleines, elles pouvaient recevoir 60 personnes ; il n’en reste plus rien aujourd’hui.Le camp de Gurs a servi de lieu d’internement administratif du 2 avril 1939 au 31 décembre 1945. Quatre groupes principaux d’internés s’y sont succédés, sans jamais véritablement s’y rencontrer.
① du 2 avril 1939 au 10 mai 1940: les Républicains espagnols et les volontaires des Brigades internationales. Au total, 27 350 personnes, exclusivement des hommes.
② du 10 mai 1940 au 1er septembre 1940: des « indésirables », essentiellement des femmes originaires d’Allemagne et des pays appartenant au Reich. À leurs côtés, quelques centaines d’hommes internés pour délits d’opinion (communistes, Basques espagnols, etc…). Au total, 14 795 hommes et femmes.
③ du 1er septembre 1940 au 25 août 1944: des Juifs étrangers. Au total, 18 185 hommes, femmes et enfants internés en raison de l’antisémitisme d’état pratiqué par le régime de Vichy. Ils seront systématiquement déportés vers Auschwitz et exterminés à partir de 1942.
④ du 25 août 1944 au 31 décembre 1945: des « collabos » et quelques centaines d’antifranquistes espagnols. Au total, 3370 personnes, exclusivement des hommes.
↩︎ - Construites avant 1914, les casernes de Royallieu sont utilisées, pendant la Première Guerre Mondiale, comme hôpitaux militaires. Entre les deux guerres, ces casernes étaient occupées par différentes unités militaires. Pendant la « drôle de guerre » (septembre 1939 – juin 1940), les casernes furent transformées en hôpitaux militaires d’évacuation secondaire. En juin 1940, les Allemands les transforment en camp de prisonniers pour les soldats français et britanniques, le « Frontstalag 171 KN 654 ». Puis, tous les prisonniers de guerre furent expédiés dans des camps militaires (Stalag et Oflag) en Allemagne et les prisonniers civils politiques prirent leur place. Le camp est alors qualifié de « Polizeihaftlager », camp de détention policière.
Le camp de Royallieu à Compiègne est le troisième par ordre d’importance (après le camp de concentration K.L. Strutthof et le plus grand camp d’internement en France, celui de Drancy) des camps nazis installés par les autorités d’occupation allemandes en France pendant la seconde Guerre mondiale. Les Allemands y ont interné, de juin 1941 au 28 août 1944, 53 787 personnes, dont 2300 ont été fusillées, massacrées ou portées disparues, 300 y sont décédées, 120 se sont échappées et 49.860 ont été déportées vers les camps de concentration de Buchenwald, de Dachau, de Mauthausen, de Neuengamme, d’Oranienburg, de Ravensbrück (pour les femmes) et de Sachsenhausen. Cinquante-quatre convois sont partis de Compiègne entre mars 1942 et août 1944 : cinq en 1942, vingt-deux en 1943 et vingt-sept en 1944.
↩︎ - En représailles de l’invasion, par les Alliés, de l’Afrique du Nord le 8 novembre 1942, les Allemands occupent, à partir du 11 novembre, la zone dite « libre » de la France, désormais baptisée « zone sud ». Marseille cristallise les attentions des autorités d’occupation qui craignent que la ville, et surtout le quartier du Vieux-Port, ne se transforment en centre d’activité antiallemande. Himmler va donc décréter la démolition du port. En deux jours, quelque 6 000 personnes seront raflées. Nombre d’habitants ont porté assistance aux Juifs menacés, n’hésitant pas à les cacher, au péril de leur vie, pour leur éviter la déportation. Au final, 3 977 personnes seront relâchées mais 1 642 seront déportées (Parmi elles, 786 Juifs, dont 580 citoyens français, seront envoyés vers le camp de Compiègne, en train, dans la matinée du dimanche 24. Un départ effectué dans des conditions particulièrement cruelles, sous la surveillance de la police allemande.
↩︎ - Situé dans la Pologne occupée, Auschwitz se divise en trois camps comprenant un centre de mise à mort (à Birkenau). Ils ont été ouverts chacun leur tour sur une période de presque 2 ans entre 1940 et 1942.
Auschwitz I, le camp principal, fut le premier établi près d’Oswiecim. Sa construction commença en avril 1940 dans des baraquements abandonnés de l’armée polonaise, dans une banlieue de la ville. Les autorités SS ne cessèrent de recourir au travail forcé, les prisonniers ayant pour tâche d’agrandir le camp. Pendant la première année, les SS et la police dégagèrent une zone d’environ 40 kilomètres carrés dite « zone de développement », réservée exclusivement au camp. Comme la plupart des camps de concentration allemands, Auschwitz I fut construit pour trois raisons :
– Pour incarcérer les ennemis, réels ou supposés, du régime nazi et des autorités d’occupation allemandes en Pologne, pour une durée indéterminée
– Pour disposer d’une réserve de travailleurs forcés déployés dans des usines de construction appartenant aux Nazis (puis, plus tard, des usines d’armement ou autres productions liées à la guerre)
– Pour servir de site où de petits groupes ciblés de la population étaient tués, leur mort étant considérée par les autorités SS et policières comme essentielle à la sécurité de l’Allemagne nazie.
Birkenau (Auschwitz II) est établi en octobre 1941, à trois kilomètres d’Auschwitz. L’extermination y débute en mars 1942. Il y a dans le camp quatre chambres à gaz utilisant du Zyklon B. Jusqu’en novembre 1944, le camp fonctionne comme une usine de mort, réceptionnant des convois en provenance de toute l’Europe. La majorité des personnes déportées à Birkenau sont des Juifs et la quasi-totalité d’entre eux sont immédiatement envoyés vers les chambres à gaz.
Buna-Monowitz, également dénommé Auschwitz III, fut établi pour enfermer les travailleurs forcés de la très grande usine allemande de caoutchouc IG Farben installée près de la ville polonaise de Monowitz. C’était le camp de travail forcé le plus grand du complexe d’Auschwitz. Des centaines de milliers de prisonniers y passèrent des semaines ou même des années, à travailler dans des conditions meurtrières. Des milliers moururent dans le camp lui-même des suites du travail forcé et des conditions exécrables ; des milliers d’autres furent envoyés à la mort à Birkenau (Auschwitz II).
Sur 1,3 millions de personnes déportées à Auschwitz, plus de 1,1 million de personnes y ont été assassinées à Auschwitz, dont près d’un million de Juifs.
Passé Composé association pour la mémoire de Bannalec
↩︎