1 Introduction
<<< La guerre est déclenchée le 1er septembre 1939. Comme le reste du pays, la Bretagne est alors touchée par l’ordre de mobilisation générale.
C’est dans la Sarre que les premières opérations militaires ont lieu. La 21e DI, habituellement cantonnée en Bretagne, est en première ligne. Mais c’est surtout la Marine qui compte un grand nombre de soldats de la région. Ils participent notamment à la campagne de Norvège qui cherche à couper l’approvisionnement du Reich en minerai de fer. Toutefois, jusqu’en mai 1940, aucune opération ou presque n’a lieu sur le front franco-allemand : c’est la « drôle de guerre ».
Le 10 mai 1940, les troupes allemandes déclenchent la « guerre-éclair ». Le 17 juin 1940, la Wehrmacht pénètre en Bretagne par la ville de Fougères. Le 18, elle est à Rennes, le lendemain à Brest. A la veille de l’armistice, toute la Bretagne est occupée. À cause de sa situation stratégique, elle est l’objet de toute l’attention des occupants. En effet, la position géographique de la péninsule armoricaine, sa proximité de la Grande-Bretagne et sa façade maritime ouverte sur la Manche et l’Atlantique font de cette région un enjeu stratégique majeur pour les Allemands.
Les sources françaises et allemandes montrent un rejet immédiat de l’occupant par l’opinion publique et des espoirs tournés vers l’Angleterre, à part une poignée de collaborationnistes français et bretons qui jouent la carte allemande, et d’affairistes qui profitent d’une situation de pénurie.>>>
Un temps de repos et de permission pour les six frères de la famille ANDRE.
De gauche à droite
Louis | Théophile | René | François | Yves | Marcel | |
Année de naissance | 1910 | 1916 | 1913 | 1903 | 1906 | 1908 |
Nés entre 1903 et 1916, les six frères ont tous été appelés sous les drapeaux en 1939.
En permission à Bannalec pendant la drôle de guerre (39/40), ils se sont fait photographier en studio par René Thersiquel.
Les trois plus jeunes, Théophile, René et Marcel ont été faits prisonniers en Allemagne.
Les trois autres sont passés en zone libre.
Pierre Le Naour né en 1905 au village de Trémeur.
Il fut prisonnier dès le début des hostilités, et ne revint en France qu’à la Libération au bout de cinq ans. Il a transité par le camp de Moulins St Hubert dans le nord du département de la Meuse, près des Ardennes.
Prisonniers de guerre. On reconnaitra Pierre Lancien (et Fernandel !)
Louis Robin prisonnier en Allemagne
2 Bannalec dans la guerre
>>> Une troupe de l’armée allemande, composée d’environ 120 soldats, arrive à Bannalec le 21 juin 1940 (jour de la reddition de Lorient), provoquant la surprise et le désarroi de la population. La garnison allemande s’établit dans des locaux collectifs (écoles, …). Les occupations de locaux scolaires sont partielles. Les hôtels et pièces de logement privé sont également réquisitionnés. Les officiers se réservent les maisons particulières les plus confortables (manoir de Kerlagadic, château de Quimerch, certaines familles bannalécoises doivent alors cohabiter directement avec l’occupant.
Ces réquisitions deviennent de plus en plus lourdes, notamment à partir de 1942, lorsque la densité des troupes allemandes s’alourdit.
A ces réquisitions s’ajoute le pillage économique des occupants qui, en Bretagne, s’abat principalement sur la production agricole. Des milliers de tonnes de beurre, de viande sont expédiées Outre-Rhin.
Dès 1940, un système de réquisition est mis en place pour satisfaire les exigences allemandes. Les services du Ravitaillement Général sont chargés des opérations, appuyés bientôt par les syndics de la Corporation Paysanne (créée par le gouvernement Vichy et dirigée par le collaborateur De Guébriant, l’un des promoteurs de la « Révolution nationale » dans la paysannerie) qui sont les véritables organisateurs de la politique de « prélèvements obligatoires » (pillages) dans les campagnes.>>>
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>>>Quand les syndics disent « Livrez vos récoltes, vos bêtes, votre beurre pour les citadins », les paysans pensent « nos denrées vont aux Allemands » (ce qui deviendra un slogan des mouvements de Résistance à partir de 1942 et 1943). « A Bannalec, dès la fin 1940, la résistance des agriculteurs à ravitailler l’ennemi prend de l’ampleur et « devient une source de conflits entre les autorités municipales et les autorités allemandes. »
En 1941, les difficultés de ravitaillement deviennent de plus en plus sévères pour les Bannalécois. Le Maire, Yves Tanguy, tente d’intercéder en leur faveur auprès du préfet et du commandement allemand. Sans succès. En mai 1941, il est contraint, par le préfet du Finistère, de se séparer de huit de ses conseillers municipaux. « Devenu la bête noire du préfet et suspect aux yeux de l’occupant », il est révoqué en mars 1942 et remplacé, deux mois plus tard, par le Docteur Alfred Lartigue qui luttera « à fleuret moucheté contre les exigences allemandes ».
Au printemps 1942, un dépôt de munitions est implanté par les Allemands dans un espace de 30 ha à Kerlagadic, ces munitions transitaient par la gare située à 2 km. >>>
Mars 1943. Une fanfare allemande en plein concert sur la place de la Libération, dans le centre bourg.
Une partie de la compagnie prête pour la revue a maintenant remplacé la fanfare et attend le passage du commandant d’unité.
Quelques-uns des officiers présents lors de la cérémonie regagnent les locaux de la Kommandantur.
Alfred Le Goc sur la ferme de la famille Wissing en Allemagne où il était prisonnier.
Alfred est passé par les stalags XII A, XIII E et enfin XII F. Père de trois enfants, il est démobilisé en novembre 1942 au titre de la « Relève » (pour en savoir plus clic)
Camp de prisonniers en Allemagne.
Assis au centre avec le béret Alfred Le Goc, à sa droite Isidore Colas
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La Résistance et la Libération
>>> En Bretagne comme dans beaucoup de régions de la zone occupée, les premiers actes de résistance (lacération d’affiches allemandes, sifflets lors des actualités cinématographiques, écoute de la BBC, etc.) sont des actes réflexes et isolés qui se situent en dehors de toute organisation mais qui rappellent à la population que la guerre et l’Occupation ne sont pas acceptées par tous et que, même modestement, on peut agir.
Puis la Résistance quitte la sphère de la réaction purement individuelle, devient plus collective et commence à s’organiser. Par exemple, lorsque le général de Gaulle, sur les ondes de la BBC, demande aux Français de ne pas sortir de chez eux entre 15 heures et 16 heures le 1er janvier 1941, les rues bretonnes sont désertes. Ou encore, quand les habitants sont nombreux à déposer des gerbes sur les monuments aux morts lors des commémorations (comme ce fût le cas à Bannalec le 11 novembre 1943) et à participer aux enterrements d’aviateurs britanniques tombés sur le sol breton alors que toute manifestation est interdite. Une direction régionale clandestine du Parti Communiste Français crée les premiers groupes armés de l’OS (Organisation spéciale) en octobre 1940 à Brest, en janvier 1941 à Rennes et en avril 1941 dans les Côtes-du-Nord. Par la suite, se constituent en Bretagne d’autres réseaux de Résistance, l’Organisation civile et militaire, Libération-Nord, Défense de la France, l’Armée Secrète contrôlée par les services du Général De Gaulle à Londres et le Front National, ce dernier mouvement traduisant l’essor de la résistance communiste.>>>
Le Maire Yves Tanguy
Photo prise à Quimper début 1942 par le photographe Legrand.
Né le 16 janvier 1876, Yves Tanguy était Maire de Bannalec, depuis 1912 et fut sénateur de 1931 à 1938.
En conflit avec l’administration de Vichy comme avec l’occupant, il est révoqué sans ménagement par le préfet le 5 mars 1942 et meurt le 1er avril 1943.
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>>> La Résistance bretonne se rôde dans les années 1940-1942. Elle s’oriente vers la propagande (réalisation de tracts ou de journaux clandestins), le renseignement (les premiers réseaux de renseignements sont apparus dès juillet 1940 en Bretagne), les sabotages, l’aide aux évasions de prisonniers de guerre (Dans la région, les premiers réseaux d’évasion apparaissent à la fin de l’année 1942, à l’image de Shelburn) ou la récupération d’armes.
La propagande et les sabotages sont alors surtout le fait de la Résistance communiste. Durant les premières années d’Occupation, les communistes se distinguent également par la tactique des attentats individuels, comme à Nantes où, le 20 octobre 1941, le commandant allemand Hotz est exécuté. Ordre est alors donné par l’occupant de fusiller 50 otages. Le 22 octobre 1941, 48 personnes sont finalement exécutées dont 27 à Châteaubriant, la plupart communistes. Châteaubriant devient le symbole de la barbarie nazie et du martyre communiste.
La Résistance bretonne prend réellement son essor en 1943 en développant des groupes armés et en se dotant de structures plus efficaces : des organismes communs sont créés et les liens avec Londres sont renforcés. Elle voit ses rangs grossir par l’arrivée de nombreux jeunes qui refusent d’aller travailler pour l’Allemagne dans le cadre du Service du Travail Obligatoire. Bannalec participe activement à la lutte contre le S.T.O. avec l’aide, notamment, du gendarme Brun et des employés de mairie Henri Balem et Jacques Olivier.>>>
Le Capitaine Louis Lavat, enseignant du cours complémentaire de Bannalec, assure le commandement militaire du maquis de La Roche situé sur les hauteurs de Saint-Jacques, proche du centre-ville de Bannalec et des communes de Scaër et Saint-Thurien
Louis Lavat entouré de deux GI’s dont le jeune âge est frappant
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>>> A Bannalec, à la fin de 1942, une vingtaine de jeunes hommes décidés à résister cherche un de ces organismes. Ils sont approchés par Louis Lavat, enseignant au cours complémentaire de l’école de la ville et par Auguste Furic, agent immobilier. C’est Daniel Trellu alias « Raymond » (il prendra, après le Débarquement, l’appellation de « Lieutenant -Colonel Chevalier »), responsable départemental du Front National, qui organise le groupe de Résistance : Louis Lavat assurera le commandement militaire du secteur de Bannalec, du Trévoux et de Saint-Thurien et Pierre Ouadec, instituteur à Pont-Aven, sera chargé de diriger les actions militaires et les coups de main contre l’occupant allemand.
Dans la nuit du 10 au 11 novembre 1943, un groupe d’une dizaine de Résistants attaquent un train de munitions allemand stationnant en gare de Bannalec : parmi eux, se trouvent Pierre Pendélio, Michel Yvonnou, les frères Jean et Louis Le Gac, Eugène Cadic, Eugène Lorec. Les Allemands ouvrent le feu. Le jeune Pierre Pendélio, atteint par une balle qui lui brise la jambe, est arrêté immédiatement par les Nazis qui le tortureront jusqu’à̀ l’aube. Le lendemain, arrestations et perquisitions déciment le groupe de résistants. Michel Yvonnou, Guy Le Goapper, les frères Jean et Louis Le Gac sont faits prisonniers et transférés, avec Pierre Pendélio, à la prison Saint-Charles de Kerfeunteun à Quimper. Les autres ont réussi à prendre la fuite. Coupés en fin 1943 de toute organisation, les Résistants de Bannalec prennent contact avec le mouvement « Libé-Nord » par l’intermédiaire de Marcel Pézennec surnommé « Jannault ».>>>
Les fusillés de Bannalec
6 bannalécois, les frères Le Gac, Michel Yvonnou, Eugène Cadic, Eugène Lorec et Pierre Pendélio sont arrêtés par les Nazis à la suite de l’attaque de la gare de novembre 1943 et fusillés par les Allemands l’année suivante.
Jean et Louis Le Gac, Michel Yvonnou et Pierre Pendelio, ont été arrêtés par les Allemands et fusillés le 5 avril 1944. Eugène Cadic et Eugène Lorec ont été fusillés le 21 avril 1944.
Dernière lettre de Louis Le Gac à ses parents
Bien chers parents, au moment où je vais disparaitre, je viens vous adresser un dernier adieu. Je regrette assurément de n’avoir pas suivi plus fidèlement les lois du Bon Dieu et je lui demande à genoux de m’accueillir dans son paradis ou je veillerai sur vous, je vous supplie d’avoir du courage. J’ai le cœur brisé de mourir sans vous avoir revus une dernière fois.
J’aurai voulu te revoir ma pauvre maman ainsi que papa. Vous qui vous êtes donné tant de mal pour nous élever. Nous voir arriver à cet âge et nous voir disparaitre ainsi brusquement.
Mon cœur se serre à la pensée de ceux que nous laissons après nous. Je tiens à remercier M. Alain Guyader, M Lartigue, Mme Bertagnolio, Mme Guillou et Mme Bisquay ainsi que toutes les personnes qui se sont dévouées, pour essayer de nous sauver. Vous donnerez un dernier adieu à tous les camarades, à tous ceux que j’aimais, à Lilianne et Simone Seznec et tous ceux du quartier, j’aurais bien voulu les voir, mais hélas, il m’est impossible.
Enfin, chers parents, je dois vous quitter à regret. Recevez donc le dernier adieu à votre fils qui vous aime dont vous étiez la fierté et que vous rencontrerez lors du Jugement dernier côte à côte avec vous réunis comme auparavant. Adieu à vous. Votre fils Lili.
Louis Le Gac fusillé par les Nazis le 5 avril 1944 avait écrit une dernière lettre à ses parents. Eugénie Guillou propriétaire du salon de coiffure où il travaillait en avait réalisé une copie qu’une employée Anna Guillou avait conservée.
Jean et Louis Le Gac sont enterrés à Bannalec le 8 septembre 1944
Eugène Cadic, Eugène Lorec et Pierre Pendelio seront enterrés à Bannalec le 3 septembre 1944.
Michel Yvonnou est enterré à Rosporden le 4 septembre 1944.
AUGUSTE FURIC
Auguste Furic est né au Trévoux le 13 février 1900 dans une famille de cultivateurs. Dans le cadre de la mobilisation générale, il est rappelé à l’activité militaire le 7 septembre 1939 puis démobilisé le 26 août 1940. Avec sa femme Anna Le Bris et sa fille Maryse, il s’installe rue de la gare à Bannalec, comme agent immobilier.
Dès la fin 1942 il s’implique avec Louis Lavat dans la mise en place du réseau de résistance à Bannalec. Mais après l’échec de la tragique opération à la gare de Bannalec dans la nuit du 10 au 11 novembre 1943, recherché par la Gestapo, il est contraint de fuir. Un avis de recherche du « nommé Furic auguste identifié comme étant le chef de la résistance à Bannalec, en fuite depuis novembre à la suite de l’arrestation de plusieurs de ses complices » est placardé sur la porte des églises de Bannalec, Riec sur Belon et Kernével.
Il trouve refuge dans la région douarneniste, puis au Likès de Quimper où le directeur Joseph Salaun organise sa fuite. Une famille de Quimper l’héberge. Découvert par la Gestapo il est « casé » chez des résistants de Pleuven avant de quitter la Bretagne le 5 décembre 1943 et poursuivre le combat.
De retour, il est engagé volontaire le 20 octobre 1944 avec le grade de lieutenant à l’intendance militaire de Quimper, au titre du bataillon FFI. Médaillé de la Résistance le 3 août 1946, décoré de la croix de guerre, Auguste Furic est décédé le 10 novembre 1977.
Groupe de résistants à Bannalec
On reconnaît : en haut à droite Louis Lavat avec le béret
en dessous avec la cigarette Alexandre Baffet et au milieu avec le casque Von Penven.
Bravant l’interdiction des Nazis, l’USB rend hommage aux Poilus en novembre 1943
Pendant la période de l’occupation, il n’était pas possible pour les habitants de rendre hommage aux morts de la Première Guerre mondiale. En effet, dès la première année de l’occupation, les Nazis avaient interdit que la commémoration du 11 Novembre soit célébrée en France.
Or, malgré cette interdiction, les athlètes de l’Union Sportive de Bannalec, vainqueurs d’une compétition de marche par équipe, organisent la remise des trophées et des bouquets de fleurs devant le monument aux Morts, célébrant de la sorte la défaite des Allemands en 1918 !
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>>> Le 31 décembre 1943, une bombardier américain B 17, le Black Swan, touché en vol par la défense antiaérienne allemande et pourchassé par des chasseurs de la Luftwaffe, s’écrase à Kérancréac’h, à Bannalec. Les huit survivants se dispersèrent dans la campagne du Trévoux et de Bannalec. Certains ont été rapidement rattrapés par les patrouilles allemandes, installées sur la commune. D’autres ont réussi à s’échapper temporairement, avant de tomber aux mains de l’ennemi et d’être internés en camp de prisonniers. Seuls deux des huit ont pu s’évader et regagner l’Angleterre grâce notamment au réseau Shelburn.
Dans la nuit du 18 et 19 mars 1944, au pont de Troganvel à Bannalec, les maquisards de Scaër font dérailler le train SF 117 transportant de l’armement et des pièces détachées de sous-marins basés à Lorient et à Brest. Seule la locomotive reste sur les rails tandis que les wagons tombent dans le ravin où coule le Ster-Goz, au pied du Bois-Biger.
Le 5 avril 1944, Pendelio, Yvonnou et les frères Le Gac sont fusillés par les Allemands à Plomelin. Malgré les obstructions des Allemands, un service funèbre sera organisé le 11 avril en présence de nombreux Bannalécois. Eugène Cadic, arrêté en décembre 1943, et Eugène Lorec en janvier 1944, seront exécutés le 21 avril 1944 sur la plage du Poulguen à Penmarc’h.
Malgré leur répression sanguinaire contre les Résistants, les forces d’occupation continuent à être harcelées, leurs communications téléphoniques sont fréquemment coupées et le déplacement de leurs troupes est rendu compliqué par les multiples sabotages commis par les résistants.>>>
L’équipage du Black Swan
L’équipage du bombardier que l’on peut voir sur cette photo a été modifié pour le vol du 31/12/1943, debout en partant de la gauche : 1er Larry Hull, 3ème Stuart B. Mendelsohn, 5ème Verne Woods, 6ème James Quin; accroupis en part de la gauche : 1er Abraham R. Lieberman, 4ème Richard G. Hensley.
Le 31 décembre 1943 le bombardier américain Black Swan s’écrase à Kerancréac’h à Bannalec (pour en savoir plus clic).
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>>> C’est ainsi qu’un deuxième déraillement est organisé contre un train de permissionnaires allemands par les maquisards scaërois dans la nuit du 15 au 16 avril 1944 au trou de la Belle-Mère près de Roz-huel en Bannalec. Contrairement à ce qui s’était passé lors de la première action des 18 et 19 mars 1944, la locomotive se renverse après le pont et tombe dans le ravin les cheminées plantées dans le sol et les roues en l’air mais n’entraine aucun wagon dans sa chute.
Le 6 juin 1944, 150 000 soldats allemands stationnent en Bretagne. Face à eux, les Forces françaises de l’intérieur (FFI) regroupent les FTP et l’AS. Mal équipés, ils espèrent avec impatience des parachutages d’armes. D’autant qu’avec l’intensification de leur action, ils doivent faire face à la répression croissante des forces d’occupation et des milices. Malgré tout, après le Débarquement, les actes d’insurrection et de guérilla se multiplient à partir des maquis.
Sur le secteur de Bannalec, la Résistance, composée de FFI et FTP de Scaër et de La Roche à Saint-Jacques, organisent sabotages et embuscades pour empêcher les troupes allemandes de se replier vers Lorient. De nombreux barrages ont été dressés sur la route entre Moulin-Nabat et Creis-Obet. C’est à l’entrée de ce hameau que, le 5 août 1944 vers 20h, un groupe de résistants attaque un convoi de onze camions allemands transportant notamment des munitions du dépôt de Kerlagadic. Un camion de munitions est détruit mais son explosion met le feu à la maison de M. Maléfant. Les autres camions passent et les Allemands incendient l’immeuble habité par Jean-Marie Guyader et lancent une grenade chez Jules Allain, blessant toute la famille.>>>
Discours de Pierre Ouadec, alias Jack Petit Tessier, Commandant dans les FFI,
lors de la cérémonie du 11 novembre 1944 à Bannalec
Sabotage de la voie ferrée, près de Stang-Lijeour au “Trou de la belle-mère“ par les maquisards scaerois le 16 avril 1944
La locomotive du train de permissionnaires allemands SF 117 tombe dans la rivière qui se trouve à dix mètres en contre bas de la ligne et s’arrête complètement retournée à une quinzaine de mètres des voies
Relevage de la locomotive en février 1947
Notre METIER – L’HEBDOMADAIRE ILLUSTRE DU CHEMINOT FRANÇAIS
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>>> Le dimanche 6 août, l’ennemi revient renforcé par une formation de SS et parcourt la campagne à la recherche de patriotes. Les Allemands incendient encore des fermes après s’être emparés d’objets de valeur, de vêtements et de boissons (les fermes de Richou et Rumain sont totalement détruites) et assassinent trois civils (Guillaume Brinquin, Joseph Quéré et Pierre-René Charpentier).
Finalement, les FFI jouent un rôle clé dans la libération de la région. Après la percée d’Avranches, ils entrent d’ailleurs à Rennes en compagnie de l’armée du général Patton, le 4 août 1944. Le 6 août 1944, c’est au tour de Saint-Brieuc et de Vannes d’être libérées.
Le lundi 7 août, à 6 h 30, les Allemands font exploser le dépôt de munitions de Kerlagadic, sans faire de victime dans la population, mais avec de gros dégâts matériels puis ils prennent la route en direction de Quimperlé (À leur nouveau passage à Creis-Obet, ils incendient une maison et se livrent à des pillages chez les habitants). Alors que la population pense que les Allemands ont disparu du secteur, une draisine armée de trois mitrailleuses est signalée à la gare. Les maquisards, sous le commandement du lieutenant Le Dervouet, se rendent sur les lieux et ouvrent le feu sur les sept soldats ennemis tuant l’un d’entre eux, en blessant quatre autres et en arrêtant deux. Les Résistants décident alors de sécuriser tous les accès de la commune. Vers 16 h, une nouvelle draisine sera signalée au passage à niveau de Kerboutet, mais les Allemands préférèrent repartir vers Quimperlé. Bannalec est enfin libérée de l’occupation allemande, sans le concours des troupes alliées.>>>
7 août 1944. Une douzaine de volontaires sous les ordres de Pérez et Favennec se prépare à attaquer la gare de Bannalec
Les maquisards devant la draisine abandonnée par les soldats allemands à la gare de Bannalec.
10 Des joies et des peines
>>> L’accueil triomphal des libérateurs témoigne du soulagement de la population. Pourtant l’euphorie cède rapidement aux règlements de compte. Les tensions et les rancœurs accumulées pendant les quatre années d’occupation entrainent un nouveau climat de violence en Bretagne. La traque des collaborateurs ou présumés tels s’intensifie. Hors de tout cadre légal, ne s’embarrassant pas des principes de la justice, des petits groupes de résistants, bien souvent de « la dernière heure », s’improvisent « justiciers » et créent des « tribunaux clandestins » plus ou moins improvisés. Certains en ont profité, sous couvert d’épuration, pour régler leurs comptes. Suspectés d’avoir collaboré avec les Allemands, des hommes sont exécutés, des femmes sont tondues et humiliées sur la place publique.
Oui, cela a existé, même à Bannalec (deux femmes sont tondues pour avoir eu des « relations » avec des allemands mais sans preuve concrète de collaboration : ce drame reste un tabou), même à Scaër (Deux jeunes femmes, Jeannette Laz et Marie-Jeanne Noach, injustement accusées de collaboration avec les Allemands et d’avoir dénoncé le maquis de Kernabat, ont été arrêtées, tondues, violées, torturées, sommairement jugées par une cour martiale et exécutées au lieudit de Stang blanc : en 2018, 74 ans après les faits, un premier hommage leur a été rendu par la municipalité et par l’ANACR lors de l’inauguration d’une stèle érigée sur le site).>>>
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>>> Mais ce que l’historiographie récente démontre, c’est que cette période de l’épuration qui suit l’immédiat après-guerre et qui couvre en réalité une période beaucoup plus courte que ce qu’on a pu laisser dire n’a pas été aussi « sauvage », « expéditive », « sanguinaire ou « aveugle » qu’on a voulu le raconter. Une fois la fièvre de la libération passée, les nouvelles autorités parviennent à instaurer une base légale à l’épuration avec la création de tribunaux d’exception. Ce sont près de 350 000 personnes qui sont jugées devant la Haute Cour de justice, les cours de justice et les chambres civiques, soit presque un Français sur cent. L’épuration légale touche aussi des personnes morales. L’Ouest-Eclair et La Dépêche de Brest sont ainsi interdits et remplacés par Ouest-France et Le Télégramme.
Concernant la Bretagne, on évalue à 3 521 le nombre d’individus jugés par les cours de justice et les chambres civiques dont 204 ont été condamnés à mort parmi lesquels un dénommé Jean Hamon, originaire de Bannalec (Membre du PPF, il se met au service des Nazis dès 1942 et exécute plusieurs missions pour leur compte : surveillance de Résistants dans la région de Perpignan, propagandiste auprès des travailleurs français en Allemagne, espionnage des chefs de Résistance dans le secteur de Bannalec, tortionnaire à la Prison Saint-Charles de Quimper où il essaiera, en vain, de faire parler le Docteur Nicolas [responsable cantonal du mouvement de résistance Libération-Nord], dénonciation de résistants à Audierne, etc.).
En définitive, le processus d’épuration n’a pas uniquement touché les « lampistes ». Il ne fut pas davantage un « bain de sang » mené par les communistes et frappant d’innocentes victimes comme ont bien voulu le faire croire les tenants d’une certaine légende noire.>>>
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>>> En France, l’épuration a fait quelque 10 000 morts (Ce chiffre comprend les peines de mort prononcées par des cours martiales et des tribunaux et pas seulement des passages à l’acte individuels). C’est-à-dire beaucoup, mais beaucoup moins que ce qu’on a pu lire ou entendre ici ou là et surtout sans commune mesure et sans relation d’équivalence avec le nombre des victimes de la répression menée par les forces allemandes et leurs supplétifs français.
Les chiffres qui suivent sont évocateurs : de janvier à septembre 1944, 13 700 FFI ont été tués au combat ou exécutés, 834 otages et 2 700 condamnés à mort ont été fusillés par les Allemands, et environ 12 000 personnes ont été tuées lors de massacres et d’exécutions sommaires. 40 % des déportés de répression croupissant dans les camps de concentration et prisons du IIIe Reich ont laissé leur vie, soit 36 000 victimes, sans compter les Juifs assassinés dans les camps de la mort.
La paix retrouvée, la République peut être officiellement rétablie et la démocratie reprend ses droits avec le retour des élections municipales le 29 avril 1945 auxquelles, pour la première fois, les femmes participent ! Le général de Gaulle effectue un tour triomphal des villes de Bretagne à la fin de juillet 1945. Accompagné de ses ministres bretons, René Pleven (ministre de l’Économie et des finances) et Tanguy Prigent (ministre de l’Agriculture), il est acclamé par les populations de Brest, de Saint-Brieuc, de Quimper, de Lorient et de …Bannalec !