Exposition qui s’est tenue du 3 au 7 mai 2025 aux Haras de Bannalec
1-Introduction; 2-La Poche de Lorient (principales dates); 3- Bannalécois morts dans la Poche de Lorient; 4-Le retour à la démocratie et à l’Etat Républicain; 5-Vie sociale; 6-Des conditions de vie difficiles; 7-Le retour des prisonniers et des déportés; 8-L’Etat Providence et le dirigisme économique; 9-Le plan Marshall; 10-L’agriculture et l’industrie bretonnes après la Libération; 11-Le modèle agricole breton; 12-L’école de la Libération; 13- Le dépôt de munitions de Kerlagadic
1-Introduction
Bannalec est libérée le 7 août 1944, le même jour que Rosporden et 3 jours après Scaër (4 août). Trégunc et Quimperlé seront libérées le 8, Concarneau le 25. A Bannalec comme ailleurs, des scènes de liesse populaire témoignent du soulagement de la population.
Mais l’euphorie est de courte durée.
D’abord parce que les tensions et les rancœurs accumulées pendant les quatre années d’occupation entrainent des violences. A Bannalec, 6 femmes ont été tondues pour avoir eu des « relations » avec des allemands mais sans preuve concrète de collaboration.
Ensuite, et surtout, parce que la Libération ne semble pas dans l’immédiat avoir changé grand-chose à la vie quotidienne des Bretons. Première raison à cela: des poches de résistance allemandes retardent l’avènement de la paix en Bretagne. A Concarneau, où l’occupant s’est puissamment fortifié, les Allemands fuient la ville par bateaux le 25 août, à Brest, dans une ville dévastée, les Allemands ne capitulent que le 18 septembre. Et il faut attendre le 8 mai 1945 pour qu’ils déposent les armes à Lorient et le 11 pour qu’ils cessent le combat à Saint-Nazaire.
Autrement dit, la poursuite de la guerre sur une partie du territoire breton provoque le maintien d’une pression forte sur les esprits et sur les conditions de retour à la paix. Pour les dizaines de milliers d’habitants de ces territoires qui tardent à recouvrer la liberté comme pour les FFI qui y livrent de durs combats, le mois d’août 1944 ne marque pas la fin du cauchemar.
C’est aussi le cas pour les prisonniers de guerre et les déportés dont les familles, dans l’angoisse, espèrent le retour. Ils devront patienter encore des mois pour revoir la pays, du moins pour ceux qui ont survécu.
Dans ce contexte particulièrement délicat, les commissaires de la République administrent le territoire et œuvrent au rétablissement de la légalité républicaine, indissociable de la Libération, notamment en mettant fin à l’épuration sauvage.
La démocratie reprend progressivement ses droits avec le retour des élections municipales le 29 avril 1945 (auxquelles ne participent pas les communes des poches de Lorient et de Saint-Nazaire), scrutin d’autant plus symbolique que, pour la première fois, les femmes peuvent voter !
La paix retrouvée, la République peut être officiellement rétablie sans pour autant favoriser le sentiment d’union nationale comme le montre la reprise de la guerre des Ecoles. De plus, le retour à la paix, à la légalité républicaine et à la démocratie se fait dans des conditions de vie économique et sociale qui restent difficiles. Il faut attendre les années soixante pour que la Bretagne connaisse enfin un essor significatif.

Camion de résistants scaërois venant d’embarquer des résistants bannalécois pour la Poche de Lorient début 1945.

2-La Poche de Lorient (principales dates)
La région lorientaise est occupée depuis le 21 juin 1940.
L’arsenal de Lorient est choisi par l’amiral Karl Dönitz (commandant des sous-marins allemands jusqu’en 1942 puis de la Kriegsmarine de 1943 à 1945) pour accueillir l’une des cinq grandes bases de U-Boote installées sur les côtes françaises de l’Atlantique (Brest, Saint-Nazaire, La Rochelle et Bordeaux).
Entre février 1941 et janvier 1943, construction d’un ensemble bétonné constituant une véritable base sous-marine et pouvant résister à la violence des bombardements alliés.
Le 6 juin 1944, les Alliés débarquent sur les côtes normandes. Jour après jour, ils pénètrent un peu plus en Normandie Les lignes allemandes sont percées à Avranches les 30 et 31 juillet 1944.
Le 1er août 1944, la 3ème armée du général Patton entre en Bretagne. La Bretagne est libérée en grande partie.
Entre le 4 et le 6 août 1944, 26.000 soldats allemands se replient autour de la base de sous-marins de Keroman à Lorient.
Le 7 août 1944, les 26 000 soldats allemands se retrouvent dans le réduit lorientais.
Arrivés par Arzano, les Américains de la 4e division blindée gagnaient Pont-Scorff le 7 août en vue de prendre Lorient guidés par les FFI.
A Quéven les tirs d’une batterie de DCA détruisit leur PC mobile de communication. Quelques unités progressèrent vers Lorient puis reculèrent face à l’artillerie allemande en se repliant sur Pont-Scorff.
Depuis Auray l’autre partie de la 4e DB tentait une percée sur Hennebont mais face aux tirs d’artillerie, elle se dirigea vers Lochrist et se retrouva bloquée. La formation se replia sur Caudan puis abandonna le front de Lorient pour Nantes.
Vers le 10 août, l’encerclement de la poche de Lorient est achevé mais l’assaut n’a pas lieu.
Le 10 août 1944, le 17e Bataillon F.F.I. du Finistère est créé. Dans un premier temps, il est composé de 840 F.F.I. en ligne sur les 12 km du front de la Laïta, 200 se tenant en réserve. Il se compose alors des groupes de résistants du Sud Finistère de Quimperlé, Clohars, Pont Aven, Rosporden, Coray, et Concarneau.
A partir du 10 août, les maquisards s’organisent sous le commandement du Capitaine Trefflez, dont le P.C. s’installe à Clohars à partir du 13 août.
Le 14 août, les chars américains de la 4e DB du général Patton prirent la direction de l’est abandonnant l’idée de prendre Lorient qui resta enclavé jusqu’au 10 mai 1945.
Le 15 août les maquisards reçoivent le renfort des F.F.I. de Bannalec (menés par le capitaine Lavat), de Scaër (Guy Le Borgne fait venir 250 hommes), d’Arzano, de Rédéné et de Guilligomarc’h.
Au mois août la ligne de front se tient en retrait de la rivière, à l’abri des tirs directs allemands. Les limites ouest de la « Poche de Lorient » vont alors de la forêt de Carnoët au Pouldu.
Le 16 août 1944 les allemands publient un avis déclarant ne vouloir conserver dans la Poche de Lorient que les titulaires d’un emploi absolument indispensable. Dans un nouvel avis du 17 août, il est rappelé que toute personne valide résidant à Lorient doit obligatoirement s’inscrire soit pour rester travailler soit pour évacuer la place forte.
Pendant tout le mois d’août les allemands contraignent également de nombreux habitants à évacuer les communes de Port-Louis et de Raintec afin de réduire le nombre de bouches à nourrir.
Du 15 août au 25 octobre, les 12 bataillons issus de la résistance du Morbihan nouvellement organisée sont sous les ordres du lieutenant-colonel Morice (commandant militaire départemental), basé à Vannes. Les bataillons sont répartis entre Lorient et Saint-Nazaire. Le sous-secteur de Lorient est conduit par le commandant Manceau, basé à Auray. Il regroupe 7 bataillons F.F.I. du Morbihan (5 620 hommes), des bataillons F.F.I. du Finistère et des Côtes du Nord et la compagnie de la Trinité avec l’aide des troupes américaines.
A la fin octobre, les bataillons intègrent les Forces Françaises de l’Ouest (F.F.O.) conduites par le général Larminat, secteur Morbihan (F.F.M.B.). 10 000 hommes sont sous le commandement du Lieutenant-colonel Morice.

Les contours de la poche sont stabilisés le 12 août 1944
Le 28 octobre, les Allemands qui cherchent à se procurer des vivres, s’emparent de Sainte-Hélène jusqu’à la rivière d’Etel. Ils gardent la maîtrise des mers.
En novembre, les Alliés progressent depuis Hennebont vers les collines surplombant Lorient.
Le 2 novembre, les allemands ordonnent l’évacuation des habitants de Groix et de Belle Ile en Mer afin de se réserver le ravitaillement local.
Le 8 décembre, les Alliés prennent les ouvrages de la falaise à Etel. Le 19 janvier 1945 ils avancent à l’est de la Laïta. De part et d’autre, l’artillerie fait des ravages.
Début janvier 1945, les allemands ordonnent aux maires de Quiberon et de Saint Pierre de Quiberon l’évacuation de tous les hommes de 17 à 40 ans avant le 16 janvier. Ils réquisitionnent toutes les vivres et pillent les maisons abandonnées.
Au début du mois de février 1945, 90% de la population civile qui était restée sur le territoire après l’évacuation à la suite des bombardements de 1943, sont évacués de la Poche, seuls 8000 civils environ s’obstinent à rester sur place.
Les 3,4 et 5 avril 1945, trois convois de la Croix Rouge sont autorisés à entrer dans la Poche. Ces allers-retours dans la Poche ont permis également à des agents infiltrés de transmettre aux FFI des informations sur les positions ennemis.
Le 7 mai 1945, l’acte de reddition de l’armée allemande est signé par le colonel Borst au café Breton à Etel.
Le 10 mai, deux jours après la capitulation allemande, le général Fahrmbacher remet symboliquement son arme au général américain Kramer, dans une prairie à Caudan. Le même jour à midi, les Alliés libèrent la Poche de Lorient et font près de 25 000 prisonniers.
Le 16 mai 1945, neuf jours après la reddition de la Poche de Lorient, cinquante cadavres en état de décomposition avancée, sont exhumés par des prisonniers de guerre allemands au Fort de Penthièvre (Saint-Pierre-Quiberon). Les corps sont entassés, les mains liées par des fils de fer dans le dos ou sur la tête. Les corps des résistants exécutés sans jugement, dont certains agonisaient encore, sont jetés dans une galerie souterraine d’une trentaine de mètres, creusée à partir d’une cavité préexistante, de quelques mètres. Cette galerie est ensuite refermée par trois murs, distants de trois mètres les uns des autres, et séparés par de la terre.
Le 18 mai 1945, un autre charnier est découvert à l’entrée de la Citadelle de Port Louis, 69 corps sont exhumés.


3-Bannalécois morts dans la Poche de Lorient
1- Emile Isidore Maurice DANIELOU
Il est né le 23 novembre 1913 à Bannalec. Ses parents étaient Maurice Danielou et Marie Françoise Guiffant.
Il était domicilié à Pont-Ruz Huel à Bannalec.
Il appartenait au 2ème bataillon de marche du Finistère (sous le commandement du capitaine Lavat).
Il fut tué le 24 janvier 1945 (31 ans), avec son camarade de Bannalec Georges Derrien, lors des combats de la Poche de Lorient à Locmaria en Guidel (Morbihan) à la limite du Finistère, sur la ligne de front formée par la Laïta.
Reconnu « Mort pour la France », il a été homologué FFI. Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Bannalec.
2- Georges Joseph Jean DERRIEN
Il est né le 12 mars 1921 à Saint-Jacques en Bannalec. Ses parents étaient Alain Yves Derrien et Marie Louise Françoise David.
Domicilié à Stang-Quinquis, à Bannalec, il rejoignit le groupe local des Forces françaises de l’intérieur (FFI), intégré au 2ème Bataillon de marche du Finistère (sous le commandement du capitaine Lavat).
Il fut tué le 24 janvier 1945 (23 ans) lors des combats de la Poche de Lorient à Locmaria en Guidel (Morbihan) à la limite du Finistère, sur la ligne de front formée par la Laïta, avec son camarade de Bannalec Émile Danielou.
Reconnu « Mort pour la France », il a été homologué militaire FFI du 2ème Bataillon de marche. Son nom est gravé sur le monument aux morts de Bannalec.
3. Charles François Marie MASSÉ
Il est né le 23 juin 1921 à Scaër. Ses parents étaient Charles Massé et Marie Françoise Geneviève Massé. Ils étaient domiciliés à Bannalec.
Il était résistant dans une unité FFI. Il est tué au combat le 27 octobre 1944 (26 ans) à Plouay (Morbihan) dans la Poche de Lorient.
Il a obtenu la mention « Mort pour la France ». Son nom est inscrit sur le Monument aux Morts de Bannalec.
4- Henri Jean Paul NOC
Il est né le 5 octobre 1923 à Bannalec. Ses parents étaient Henri Noc, charron, et Marie Julienne Nicolas.
Il combattit au sein des Forces françaises de l’intérieur (FFI) sur le front de la Poche de Lorient (Morbihan), et fut tué au combat le 20 octobre 1944 (21 ans) à Nostang (Morbihan).
Il a obtenu la mention « Mort pour la France » et a été homologué FFI. Son nom est inscrit sur le Monument aux Morts de Bannalec.
5- Gérard, Guy RENET
Il est né le 10 septembre 1926 à Champniers ou Viville (Charente). Ses parents étaient Jean Renet et Edith Moncerand, il était domicilié rue de la Gare à Bannalec (Finistère). Résistant FFI, caporal au 3e bataillon de Marche, grièvement blessé au cours d’un engagement sur le Front de Lorient, au lieu-dit Kerlec à Guidel, il mourut le 25 mars 1945 à l’hôpital de Quimperlé (18 ans).
Reconnu « Mort pour la « France », il a été homologué soldat FFI. Son nom est inscrit sur le Monument aux Morts de Bannalec
6- Marcel Laurent TAÉRON
Il est né 3 décembre 1923 à Kerlosquet en Bannalec. Ses parents étaient Jules François René Taéron et Reine Marguerite Guillou.
Selon les informations militaires et de la Résistance, il faisait partie des FFI.
C’est dans ce cadre que Marcel Laurent Taéron rejoint le 2ème bataillon de marche de la 1ère Division de la France Libre.
Il meurt le 13 octobre 1944 (21 ans) à Plouay (Morbihan) dans la Poche de Lorient des suites de ses blessures survenues dans des circonstances inconnues.
Il a été homologué forces françaises de l’intérieur (FFI) et a obtenu la mention « Mort pour la France ». Son nom est inscrit sur le monument aux Morts de Bannalec.
7- Garbi Ben Youssef
Garbi dit « Job » est né en Algérie le 11 février 1909.
Les circonstances et la date de son arrivée en France sont inconnues. A Bannalec, il travaillait comme bucheron chez un transporteur de bois installé rue de la gare.
Réfractaire au STO, il passe à la Résistance en octobre 1943 et se trouve sur le Front de Lorient sous les ordres de Guy Pérez à compter du 20 août 1944, en tant que fusil-mitrailleur. Repéré par les nazis alors qu’il se trouvait en poste de nuit sur la rive droite de la Laïta, il est abattu d’une balle en plein front le 1er octobre 1944.
Il a obtenu la mention « Mort pour la France ». Son nom est inscrit sur le Monument aux morts de Bannalec.
4-Le retour à la démocratie et à l’Etat Républicain
Le Gouvernement provisoire de la République française – ou GPRF – qui a remplacé le Comité français de libération nationale le 3 juin 1944 gouverne jusqu’à l’instauration de la IVe République en 1946.
Pluralisme politique et libre expression, essence même de la démocratie, marquent le retour de la légalité républicaine. Le retour à la démocratie s’illustre en particulier par l’organisation d’élections. La parole est redonnée au peuple. Une parole élargie : pour la première fois en France, les femmes acquièrent ce droit fondamental qu’est le droit de vote.

Élections municipales (29 avril et 13 mai 1945), élections cantonales (23 et 30 septembre 1945) et le référendum et élections législatives (21 octobre 1945) rythment l’année 1945.
Aux élections municipales de Bannalec, Emmanuel Robin, installé comme docteur vétérinaire dans la commune depuis 1912, était candidat sur une liste d’union républicaine. Il occupait déjà la fonction de Maire depuis septembre 1944, sur décision préfectorale (nomination), après l’éviction d’Alfred Lartigue qui avait été mis en place par le Gouvernement de Vichy en mai 1942. Emmanuel Robin est cette fois élu Maire au deuxième tour le 13 mai 1945.
La tenue du référendum et des élections législatives en France le 21 octobre 1945 constitue par bien des aspects un moment fort de la refondation démocratique et républicaine.
Le référendum comprend deux questions : « Voulez-vous que l’Assemblée élue ce jour soit constituante ? » et « Si le corps électoral a répondu “Oui” à la première question, approuvez-vous que les pouvoirs publics soient, jusqu’à la mise en œuvre de la nouvelle Constitution, organisés conformément au projet de loi ci-contre ? » (Ce projet organise et limite les pouvoirs de la future assemblée constituante). C’est à plus de 96,4% que 19 millions de Français et de Françaises -une première- se prononcent en faveur d’une Assemblée constituante
Au cours de cette même consultation, l’électorat est également appelé à se prononcer sur la composition de cette Assemblée Constituante qui aura sept mois pour préparer un projet de Constitution qui sera soumis à la population. Les résultats confirment la primauté de trois formations : le Parti communiste (PC), le Mouvement républicain populaire (MRP) et la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO). À elles trois, elles se partagent à peu près également 461 des 555 sièges que compte l’Assemblée. Cette domination se fait au détriment du Parti radical qui jouait un rôle central sous la IIIe République.
Le 13 novembre, Charles de Gaulle est élu à l’unanimité pour diriger le gouvernement. Son cabinet compte une vingtaine de ministres, dont cinq pour chacun des trois principaux partis (PC, MRP, SFIO). De Gaulle quittera ses fonctions le 20 janvier 1946. Le socialiste Félix Gouin lui succédera.
La constitution de la IVe République (1946 / 1958) accorde beaucoup de poids au pouvoir législatif (ex : la double investiture).
Marqué par une grande instabilité gouvernementale (majorité parlementaire difficile à trouver à cause du scrutin à la proportionnelle) et enlisé dans les guerres coloniales, ce régime politique se trouve rapidement fragilisé.










5– Vie sociale

En 1943, création d’un Groupe Folklorique, les Genêts d’Or, sous l’impulsion de Louis Lavat et Marie Thérèse Binst.
Joseph Boutier, lauréat de nombreux concours de danses et de costumes, sera le maître des danses, et l’accompagnement musical sera assuré par Messieurs Salaun père et fils.

Groupe folklorique des Genêts d’Or
Une manière déguisée de tromper l’armée d’occupation qui interdisait les regroupements et les bals populaires !

En juillet 1947, lors d’un déplacement du groupe folklorique les Genêts d’Or à Nice, Maryse Furic est élue Reine des Provinces françaises.

Mariage de Guiguitte et René Pensec – 5 avril 1945
René Pensec, responsable de la Coopérative agricole de Bannalec, a été président du Cercle pendant de nombreuses années

Association de musiciens de Scaër et Bannalec – 1947.
de gauche à droite :
1er rang (bas) : 2ème : André Tanguy (accordéon)
4ème rang : 3ème : André Navellou (saxo)
5ème rang : 3ème : Lili Navellou (sans son banjo)
5ème rang : 6ème à droite : Auguste Salaun (bombarde)

Danse au Patronage -1948

6-Des conditions de vie difficiles
Le ravitaillement est l’obsession numéro un des Français depuis 1940, en particulier dans les villes. En effet, dans les campagnes, le ravitaillement alimentaire ne pose guère de problèmes, en particulier en Bretagne qui est une région de polyculture. En revanche, il manque les engrais, les matériaux pour réparer les machines agricoles.
Le départ des Allemands supprime certes les réquisitions et le pillage économique de l’occupant qui, en Bretagne, s’abattaient principalement sur la production agricole. Beaucoup espère le retour rapide de l’abondance d’antan.
Mais la Bretagne étant excédentaire, c’est-à-dire produisant plus d’alimentation qu’elle n’en consomme, elle est tenue de ravitailler les régions déficitaires, notamment l’Ile-de-France, en échange de matériaux de construction qui, en réalité, ne seront fournis qu’au compte-gouttes. A la toute fin de 1945, le gouvernement se résout à durcir le rationnement du pain qui reste un élément de base de l’alimentation populaire, faisant passer la part quotidienne par adulte de 350 à 300 grammes. Elle tombe à 200 grammes en septembre 1947 (c’est moins qu’aux pires moments de la guerre). Le rationnement, qui rappelle les heures les plus sombres de l’occupation, reste sévère jusqu’en 1947 et ne disparaît complètement qu’en 1949. Le marché noir et la spéculation aggravent la rareté. Le temps des restrictions continue donc. Les assiettes ne sont pas mieux garnies. Le gaz et l’électricité toujours distribués avec parcimonie et les habitations sont dépourvues d’eau courante.
De plus, malgré le manque d’hommes dû à l’absence des prisonniers et des déportés, le chômage sévit en raison de pénurie de matières premières et de la mise hors d’usage des outils de production.
Au début des années 50, la Bretagne présente plusieurs indices de sous-développement.
Le revenu par habitant est inférieur de 30% au revenu moyen en France et la dépense par tête est la plus faible (elle n’atteint pas la moitié de la dépense nationale).
La productivité est également une des plus médiocres de France. Plus d’un actif sur deux travaille encore dans l’agriculture, ce qui témoigne d’une sous-industrialisation et d’un faible équipement en services. La population travaillant dans le secteur secondaire est peu importante (26% en 1954, 35% en France) et elle est essentiellement occupée par les travaux publics, branche active du fait des travaux de reconstruction.
Les autres industries traditionnelles qui marquent encore fortement les paysages – celle des carrières et des mines, du cuir et du textile, de la métallurgie et de la conserve – semblent déjà menacées. Et de plus, dans ces secteurs, les salaires sont très faibles.
Ces difficultés concourent à une forte émigration des jeunes qui refusent l’absence de confort, la solitude et les faibles revenus car ils trouvent peu d’emplois hors du secteur primaire. Le recensement de 1954 en témoigne. La Bretagne ne cesse de se vider de son peuple : depuis la Libération, plus de 17 000 Bretons émigrent, chaque année, vers d’autres régions, l’Ile-de-France en premier lieu, ou bien vers l’étranger.

7-Le retour des prisonniers et des déportés
Ce retour-là n’est pas simple.
D’abord, la question des retours est mal gérée par le ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés qui manque de moyens, de médecins et de places. En juin 1945, les centres d’accueil sont vite saturés.
Ensuite, la France dans laquelle les rapatriés reviennent en 1945 n’est pas la même que celle qu’ils ont quittée en 1940. Au moment où le pays tout entier célèbre les héros de la Résistance, l’image des « captifs de l’an quarante » est associée à la débâcle subie cinq ans plus tôt, à l’humiliation de la défaite, à un passé honteux. Les « revenants » sont considérés au mieux comme les victimes de la défaite, au pire comme ses responsables.
De plus, l’accueil triomphal des libérateurs et les scènes de liesse qui ont suivi ont cédé rapidement la place aux difficultés liées au rationnement et à la reconstruction. Dans ces conditions, les retrouvailles ne vont pas nécessairement de soi dans tous les foyers.
Les prisonniers de guerre
En 1940, 1 850 000 soldats français sont tombés dans les griffes de l’ennemi dont 1,6 million a été envoyé en Allemagne.
Avec environ 137 000 prisonniers de guerre, la Bretagne a payé un lourd tribut, d’autant plus élevé que les régiments de ruraux bretons avaient été affectés dans l’armée de terre (infanterie et blindés).
En juin 1940, les chiffres s’échelonnent de 35 000 hommes pour le Morbihan à environ 30 000 pour le Finistère (3,97 % de la population finistérienne) et l’Ille-et-Vilaine, de 27 000 pour les Côtes-du-Nord à 15 000 seulement pour la Loire-Inférieure car ce département plus industrialisé a eu beaucoup d’ouvriers mobilisés comme affectés spéciaux dans les usines travaillant pour la Défense nationale et donc moins d’hommes capturés au combat.
Selon une enquête par questionnaire menée en 1949-1950, 30,03 % seulement des prisonniers de guerre finistériens sont rentrés dans leur foyer avant la capitulation du Reich le 8 mai 1945 et 68,33 % après cette date.






Les anciens du Service du Travail Obligatoire (STO)
Institué par le gouvernement de Vichy par une loi du 7 février 1943 pour répondre aux exigences allemandes de main d’œuvre, le STO constitue en fait le prolongement de la politique vichyste de la « Relève » mise en place début 1942, et qui consistait à envoyer en Allemagne des travailleurs spécialisés volontaires en échange du retour de prisonniers de guerre (trois travailleurs pour un prisonnier). L’échec de la « Relève » et la faiblesse de ses résultats entraînent l’instauration par Laval d’une nouvelle loi du 16 février 1943 modifiant le recrutement du STO : il ne se fait plus selon un critère professionnel mais sur une base démographique. Les réquisitions concernent désormais tous les jeunes nés entre 1920 et 1922. Très impopulaire, le STO a provoqué une hostilité croissante de l’opinion à l’égard de la politique de collaboration, et il a entraîné une partie des réfractaires à s’engager dans la Résistance, en particulier au sein des maquis.
Plus de 600 000 français du STO sont contraints d’aller travailler en Allemagne entre juin 1942 et juillet 1944 (auquel se sont ajoutés 700 000 travailleurs volontaires…).

Paradoxalement, cette « déportation » des travailleurs est reléguée à l’arrière-plan du souvenir dès la Libération, en fort contraste avec l’émotion décisive qu’elle avait causée. Les requis du STO, soupçonnés d’être au mieux des anti-héros malchanceux, au pire des lâches ou des volontaires déguisés, n’ont jamais pu trouver leur place dans la mémoire nationale. A leur retour, leur capital « sympathie » est des plus maigres. Leur sort rappelle qu’il a existé un État collaborateur. Au contraire des prisonniers de guerre, ils n’ont pas combattu. Au contraire des réfractaires, ils n’ont pas désobéi. Au contraire des déportés politiques, ils ne se sont pas dressés contre l’ennemi. En tant que victimes, ils ont moins souffert que les concentrationnaires, et moins longtemps que les Prisonniers de Guerre. Au demeurant, la France de 1945 n’a plus besoin de victimes.
Même les 250 000 réfractaires au STO n’intéressent que dans la mesure où une minorité d’entre eux a rejoint le maquis. La mémoire du réfractaire au STO se laisse tôt éclipser par celle du réfractaire-maquisard.
En Bretagne, le recensement dans les villes connaît un certain succès car l’administration menace de retirer les cartes d’alimentation, mais dans les campagnes de nombreux jeunes ne se font pas recenser. Dans beaucoup de communes personne ne se présente. Comme les résultats sont mauvais, les maires doivent obligatoirement fournir les listes des jeunes gens qui ne se sont pas fait recenser. Les démissions de maires et de conseillers municipaux se multiplient alors. A partir de mars 1943, dans l’ensemble en Bretagne, le sabotage du STO. se fait à une grande échelle et la population bascule dans la dissidence.
Les déportés de « répression »
La déportation organisée depuis la France par les nazis rend compte des internements dans des camps de concentration situés dans plusieurs pays. Ils ont pour but l’élimination de tous les opposants politiques, religieux et philosophiques aux nazis et de tous ceux considérés comme asociaux par le régime.
Cette logique est portée à son comble avec l’instauration des décrets NN « Nacht und Nebel Erlass » rédigés par Hitler en décembre 1941 (décrets Keitel) qui créent un nouveau type de mesures répressives s’appliquant aux résistants d’Europe occidentale. La principale disposition prévoit la déportation secrète (dans la nuit et le brouillard) sur le territoire du Reich pour la personne arrêtée. Là, elle est internée ou assignée dans un camp de concentration.
Les prisonniers NN français constituent la majeure partie de ceux qui sont envoyés notamment à Gross Rosen, Flossenbürg ou Buchenwald, puis à partir de juillet 1943 au camp de Natzweiler, situé près du lieu-dit le « Struthof » dans le massif vosgien à 50 kilomètres de Strasbourg.
Le chiffre total jusqu’en 1945 de la population déportée de répression depuis la France est aujourd’hui estimé à 86 827 personnes.
Sur les 2856 bretons déportés (dont 1090 finistériens), seuls 1427 (dont 541 finistériens) sont rentrés.
A Bannalec, seul André Cadiou est revenu vivant des camps de la mort (Dachau), Guy Le Goapper ayant été assassiné par les nazis le 31 mars 1945 dans le camp de Neuengamme.
André Cadiou
Né à Bannalec le 25 décembre 1919, André Cadiou était ouvrier mécanicien auto de formation. Sportif émérite, il a fait les beaux jours du club de football de la Fleur de Genêt, dans sa jeunesse. Dès le début de l’Occupation, il s’engage dans la résistance au sein du groupe « Vengeance » formé autour de Louis Lavat., alors que les troupes allemandes occupent Bannalec. En 1942, il rejoint la région de Gourin où il prend le maquis. Arrêté au début de l’année 1944, lors d’une rafle, il est incarcéré dans un premier temps à Guingamp, puis à Angers. Au mois de juin 1944, il est transféré à la prison de Compiègne puis déporté très rapidement au camp de Dachau.

Il est libéré au mois de mai 1945, il sera le seul Bannalécois à revenir vivant de ces camps de la mort. A son retour à Bannalec, André Cadiou s’installe comme transporteur-routier et en même temps il s’investit dans la vie communale, au sein du comité des fêtes et dans celui du quartier de la Gare. Père de deux enfants, en 1946, il entre au corps des sapeurs-pompiers où il officie durant vingt ans. De 1947 à 1965, il est d’abord conseiller municipal avec Lucien Picard, puis adjoint au maire avec Pierre Boëdec, durant six ans.
André Cadiou était également président de l’Union Bretonne des Combattants (UBC) et président des FFI, deux postes qu’il a occupés de nombreuses années. Il est décédé le 9 février 2001 à l’âge de 81 ans.
Guy Le Goapper

Guy Le Goapper est né à Bannalec, le 21 décembre 1923, il est le fils de Guillaume Alain Marie Le Goapper et de Marie Aline Sizorn. Après sa scolarité à Bannalec, il entre au lycée de Quimper. Après son lycée, un oncle lui propose un travail d’employé de bureau à Vannes (Morbihan), qu’il accepte. Il vient de temps en temps passer un week-end à la maison.
Guy Le Goapper est membre du groupe de résistants « Vengeance » formé autour de Louis Lavat.
Le 11 mars 1944, en venant faire une visite à sa famille, il se trouve dans le même train qu’un résistant communiste réfugié de Lorient, Robert Le Bail, que les Allemands viennent cueillir à la gare de Bannalec. Un employé de la gare qui connaît bien Guy lui donne des habits de la SNCF. Un des Allemands ayant vu le subterfuge, Guy Le Goapper est arrêté avec le jeune résistant communiste. Ils sont conduits à la prison Saint-Charles de Kerfeunteun puis à celle de Quimper, de Rennes, de Compiègne et enfin au camp de Neuengamme en Allemagne, le 28 juillet 1944. Guy Le Goapper décède le 31 mars 1945 à Kaltenkirchen, un camp annexe.
La déportation dite de persécution et d’extermination
Elle s’applique à ceux qui sont déportés pour « ce qu’ils sont » et non pour « ce qu’ils font ». Cette forme de déportation a touché principalement les Juifs (mais aussi les Tziganes), coupables d’être nés ainsi, et de fait considérés comme l’ennemi héréditaire et absolu du peuple allemand et source de tous ses malheurs. Leur extermination a été programmée par le régime notamment lors de la conférence de Wannsee du 20 janvier 1942. Un réseau de centres de mise à mort est mis en place « à l’est » (Pologne) pour assassiner l’ensemble des communautés juives européennes.
En France, 76000 Juifs, dont plus de 11000 enfants, sont déportés et assassinés par les nazis avec l’aide du gouvernement de Vichy, soit 25% de la population juive. Dans les cinq départements de la Bretagne historique, la Shoah aurait fait, parmi les quelque 2000 Juifs recensés en octobre 1940, au moins 462 victimes, dont 72 enfants et adolescents déportés à Auschwitz et, pour quelques-uns, à Sobibor.
Dans le Finistère, sur 138 Juifs recensés, 44 furent déportés dont 7 enfants de 9 mois à 12 ans et deux adolescents de 15 et 16 ans. Une seule personne survivra à la déportation.
Un autre génocide, encore largement méconnu par le grand public, a été perpétré pendant la Seconde guerre mondiale : celui des Tsiganes (plus exactement des ethnies Manouches, Gitans, Yéniche, Sinti, etc. nomades, semi-nomades ou sédentarisés, urbains, agricoles, forains…).
Dans l’ensemble de l’Europe occupée, entre 250 000 et 500 000 Tsiganes, hommes, femmes et enfants, ont été décimés de multiples manières par les nazis et leurs complices. Ils ont été exclus juridiquement, arrêtés et parqués dans des camps de transit ou des ghettos puis déportés dans des centres de mises à mort. Ils ont été massacrés par l’armée occupante et des civils.
En France, entre 1940 et 1946, plus de 6500 Tziganes (dont 2600 enfants), pour la plupart de nationalité française, ont été internés dans une trentaine de camps où ils vécurent dans des conditions effroyables.
En France, les Tsiganes n’ont pas seulement souffert de la faim, le froid, l’absence d’hygiène eurent raison des plus fragiles, les jeunes enfants et les vieillards. Une estimation portant sur les années 1940 à 1944 indique que plus d’une centaine de nomades sont morts dans les camps d’internement.
En Bretagne, les camps d’internement étaient au nombre de cinq : le Camp de Plénée-Jugon (Côtes-du-Nord), le Camp de Toulboubou à Pontivy (Morbihan), le Camp de Coray (Finistère) à une vingtaine de kilomètres de Bannalec, le Camp de la rue Le Guen de Kérangal à Rennes (Ille-et-Vilaine).
En France, les Tsiganes ne furent pas libérés en 1944 comme les autres internés administratifs. L’internement fut assimilé à une mesure d’assignation à résidence, le décret du 6 avril étant toujours en vigueur. Ce n’est qu’avec le décret du 10 mai 1946 officialisant la fin de la guerre, que les derniers nomades furent libérés du camp des Alliers (Charente)… bien après les collaborateurs. Aujourd’hui, il ne reste quasiment aucune trace de ces camps.
Il a fallu attendre 2016 pour que la République reconnaisse la responsabilité de la France dans l’internement de milliers de Nomades.
8-L’Etat Providence et le dirigisme économique
Pour faire face aux difficultés économiques, sociales et humaines, pour reconstruire et moderniser le pays, l’État met en place, à partir de 1945, des systèmes de solidarité visant à assurer une vie décente à ses administrés. C’est la naissance de l’Etat Providence.
Parmi toutes les décisions qui sont prises à cet effet, deux sont particulièrement importantes : la sécurité sociale ainsi que l’instauration de salaires et d’allocations permettant de lutter contre l’extrême pauvreté.
La Sécurité sociale est créée en 1945. Elle est financée et gérée par les employeurs et les salariés. Elle est destinée à couvrir les principaux risques auxquels sont confrontés les Français : maladie, vieillesse, chômage. Elle distribue également des allocations familiales afin de soutenir la démographie dans le pays.
Par ailleurs, l’Etat devient un véritable acteur de l’économie française. Il s’engage dans la voie du dirigisme économique pour faire face à la pénurie, reconstruire et moderniser le pays. Cela passe par de nombreuses réformes dont :
• Les nationalisations
Elles s’appliquent alors au secteur énergétique mais aussi aux transports, à l’électricité, aux grandes banques et aux grandes compagnies d’assurances. L’objectif est alors de contrôler les secteurs vitaux de l’économie.
• La planification
Il s’agit alors de fixer par un comité d’experts les orientations et les objectifs assignés à l’économie française par l’État. Le principal acteur de la planification est Jean Monnet.
Mais les objectifs du « plan Monnet » sont difficilement atteignables sans aide extérieure. Les recettes fiscales régulières, l’impôt extraordinaire de solidarité nationale, institué en 1945, et les emprunts contractés par l’État ne suffisent pas à financer les dépenses publiques.
Dès 1946, la France cherche à s’assurer l’aide des États-Unis et signe cette même année les accords Blum-Byrnes : la dette contractée durant la guerre est effacée et un prêt bancaire assorti d’une aide financière lui sont accordés.
En 1948, une aide intérimaire finance des importations pour pallier la pénurie de denrées agricoles, de matières premières et de combustibles. En avril de la même année, le président Truman signe le Programme de rétablissement européen, dit le « plan Marshall », qui prévoit une aide pour quatre ans, principalement accordée sous forme d’importations. Cette politique américaine trouve également ses racines dans une lutte anticommuniste.
9-Le plan Marshall
Seize pays s’empressent d’accepter le plan Marshall : Autriche, Belgique, Danemark (avec les îles Féroé et le Groenland), France, Grèce, Irlande, Islande, Italie (et Saint-Marin), Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal (avec Madère et les Açores), Royaume-Uni, Suède, Suisse (avec le Liechtenstein) et Turquie. En fait, tous les pays qui ont échappé, en 1945, à l’occupation soviétique.
La France participe à ce programme et obtient sur la période du 3 avril 1948 au 30 juin 1952 plus de 2,7 milliards de dollars (de l’époque) d’aides.
L’aide Marshall et l’aide militaire ont accéléré l’alignement politique des Européens de l’Ouest sur les Américains, même si certains pays comme la France, la Suisse et la Suède l’acceptèrent avec réticence. Le plan Marshall a contribué au développement d’une société de consommation et d’un espace d’influence pour les États-Unis. Le plan Marshall a permis de contrer les velléités de l’URSS en Europe, mais aussi d’écouler les produits et la culture américaine.
En France, l’arrivée du plan Marshall permet d’importer des produits agricoles et alimentaires réduisant considérablement le rationnement, mais aussi de reconstruire et d’investir dans des secteurs économiques, en somme relancer l’économie de la France, alors complètement à l’arrêt.
Cette aide a été essentielle dans la reconstruction européenne, et a notamment accéléré considérablement la relance de l’Europe.
Le 1er décembre 1949, les derniers tickets de rationnement disparaissent définitivement en France. Leur fin marque également la suppression par la IVe République du haut-commissariat au ravitaillement.
L’arrivée des dollars américains via le plan Marshall avait déjà grandement réduit les produits rationnés. En effet, depuis le 1er février 1949, la « carte de pain » ne rationnait que le sucre, l’essence et le café.
La fin du rationnement ouvre l’ère à la société de (sur)consommation en France, mais aussi dans le reste de l’Europe. Avec l’agriculture très productive et l’ouverture des premiers supermarchés (dès 1958), la société se transforme et transforme pour toujours notre planète.
10-L’agriculture et l’industrie bretonnes après la Libération
Jusqu’à la guerre de 1939/1945, le canton de Bannalec ne se différencie guère des autres zones rurales traditionnelles de Bretagne.
Le déclin démographique, commence à se manifester au début du vingtième siècle mais la densité reste en 1950 encore élevée pour des communes très étendues (la superficie moyenne dépasse 3000 hectares) où l’activité économique est fondée presque exclusivement sur l’agriculture et secondairement sur l’artisanat et le petit commerce ; au recensement de 1954, la densité de population varie d’une commune à l’autre entre 43 et 48 habitants au km² et la proportion d’actifs agricoles entre 68 et 85% du total des actifs.
Restée à l’écart des grands courants d’échanges de marchandises et d’idées, la société locale conserve, jusque vers 1950, l’aspect domestique et villageois, la forte cohésion interne et la faible intégration à la société globale qui caractérisaient les collectivités rurales de l’époque.
Toutefois, la région de Bannalec, comme une grande partie du Finistère, n’est pas particulièrement marquée par une forte imprégnation religieuse ou par un contrôle social très poussé de l’Eglise. Corrélativement, le comportement politique global est très équilibré sous la Quatrième République : aux législatives du 10 novembre 1946 (10 députés du Finistère à élire), droite et gauche se partagent équitablement le nombre de sièges, à celles du 17 juin 1951 et du 2 janvier 1956, la droite obtient 6 sièges et la gauche 4.
Entre les deux guerres et jusque vers 1950, les conditions de la production agricole sont celles d’une agriculture de petites exploitations (7 à 8 hectares de surface moyenne) qui :
- sont majoritairement en fermage,
- associent diverses céréales – blé, avoine, mais aussi blé noir qui reste important – et élevage – cinq ou six vaches, quelques cochons (polyculture traditionnelle),
- emploient une main d’œuvre abondante (aides familiaux et salariés agricoles) pour des productions peu mécanisées (par manque de financement), exigeant beaucoup de travail et n’assurant souvent qu’un maigre revenu.
De plus, l’agriculture bretonne, préoccupée à faire vivre une population nombreuse (pendant la guerre les 4 départements bretons ont été excédentaires en matière alimentaire), manifeste peu d’intérêt pour les marchés extérieurs.
C’est pourquoi, après la Seconde Guerre mondiale, bien que la contribution de l’agriculture bretonne ne soit pas négligeable (8% de la production française pour 6% de la superficie), les campagnes bretonnes paraissent très en retard.
C’est au début des années 50 que le désenclavement de la Bretagne – région d’émigration, sous-industrialisée, sous-équipée – devient l’objectif de plusieurs initiatives modernistes qui s’expriment notamment au sein du Comité d’études et de liaison des intérêts bretons (le CELIB).
Le CELIB, créé le 22 juillet 1950 à Quimper par Joseph Martray, un militant du mouvement breton, et présidé par René Pleven, Député des Côtes-du-Nord, tente de rassembler les élites politiques de toute obédience (à l’exception, au début, des communistes), les élites socioéconomiques et les élites culturelles issues des grandes associations bretonnes. Le premier plan breton – coordonné pour sa partie agricole par Louis Malassis – est l’occasion de dégager les grandes lignes du changement.
Cette révolution va être facilitée par l’influence idéologique de la JAC (Jeunesse Agricole Catholique) créée dans l’entre-deux guerres, très puissante en Bretagne et qui servira de matrice à la FNSEA. En formant des milliers de jeunes ruraux selon la méthode « voir, juger, agir » (autrement dit étudier les possibilités existant sur sa paroisse, évaluer pour améliorer et passer à l’action), ce mouvement va être une courroie de transmission de la modernisation. Au nom du progrès, ces jeunes vont bousculer l’encadrement rural traditionnel et faciliter l’évolution socio-économique. En remettant en cause les exploitations familiales et en reconnaissant la nécessité de l’exode rural, ils vont rendre possible l’industrialisation et l’intensification de l’agriculture bretonne, sans en avoir mesuré toutes les conséquences.
C’est donc dans les années 50 que la Bretagne s’engage dans la modernisation. Elle est caractérisée par une augmentation de la production rendue possible par des améliorations techniques : introduction du maïs, des vaches frisonnes, des engrais, généralisation des tracteurs, électrification généralisée, introduction de la comptabilité d’exploitation, etc.., que permet le recours croissant au crédit agricole et aux aides de l’Etat. Entre 1950 et 1964, le montant des prêts est multiplié par huit, les agriculteurs s’endettent pour financer l’achat d’équipements permettant de faire augmenter la productivité.


Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, on dénombre seulement près de 3 000 tracteurs en France et aucune moissonneuse-batteuse. Entre 1945 et 1947, 22 200 engins arrivent en France grâce à l’importation américaine dans le cadre des aides du plan Marshall qui vont permettre aux paysans de s’acheter, en coopérative ou personnellement, leur premier tracteur et qui vont faire disparaître, en vingt ans, la traction animale des campagnes.
Photos prêtées par la famille René Noc de Kerouer


En Bretagne, les premiers tracteurs livrés par les Etats-Unis étaient des Allis-Chalmers de type WC 42.
Les années 50 correspondent également au début du remembrement : il s’agit alors de remédier à l’extrême morcellement des exploitations bretonnes en arasant les talus jugés inutiles et en regroupant les parcelles d’un même propriétaire. Cette entreprise qui semble à certains indispensable, mais qui en traumatise d’autres, va se réaliser lentement malgré la mise en place en 1962 de la SBAFER (Société Bretonne d’aménagement Foncier et d’Etablissement Rural) qui a comme objectif de racheter des terres afin de favoriser l’agrandissement des exploitations en faisant disparaître progressivement le bocage.
Ces changements permettent l’augmentation du niveau de vie d’un certain nombre d’agriculteurs mais ne trouvent pas d’échos dans la vie quotidienne : les logements restent mal équipés (seules 49% des communes rurales bretonnes ont l’électricité en 1950) et sont même vétustes.
Enfin, ces premiers signes de transformation de la production agricole montrent malgré tout que le système traditionnel de polyculture-élevage perdure et que les petites exploitations se maintiennent.
Certes, des initiatives annoncent des temps nouveaux :
- industrialisation puis modernisation de l’élevage avicole à Bannalec en 1945 et 1948 (Guillaume Pérez),
- première charcuterie industrielle à Bannalec en 1947 (ETS Georges Tallec),
- première coopérative laitière de Rennes en 1949,
- chaînes d’abattage de porcs de Fleury-Michon (Ster Goz) à Bannalec en 1950 (qui arrêtera cette activité en 1984 à cause de la surproduction du porc et de la surcapacité d’abattage en Bretagne),
- premier abattoir de poulets industriels créé par Doux en 1955 à Port-Launay (Finistère),
- première installation, en 1955 à Bannalec, dans les anciens locaux de la « Conserverie de France », d’un atelier de conditionnement de poulets (ETS Poulet du Roy),
- fabrication de plats cuisinés et conservation de légumes (ETS Peny) installées en 1955 à Bannalec dans les anciens locaux de la « Conserverie de Bordeaux »,
- premiers ateliers « hors sol » (où les animaux restent confinés à l’intérieur des bâtiments sans jamais, ou rarement, sortir à l’extérieur) à partir du milieu des années 1950 dans l’aviculture.
Elles montrent que l’industrialisation bretonne est profondément enracinée dans l’économie traditionnelle et qu’elle est liée à l’avenir de l’agriculture bretonne. Ce secteur qui est encore très éclaté en de multiples petites sociétés connaît, dès les années 50, un début de concentration qui s’accélère à partir de 1964/65 lorsque des grands groupes rachètent des entreprises qui ne peuvent pas faire face à la modernisation.
Quant aux véritables mutations qui caractériseront le « modèle agricole breton », elles ne prendront vraiment forme que dans les années 60 dans le contexte de l’organisation économique de l’agriculture (lois agricoles de 1960 et de 1962).
Ces mutations s’inscriront dans un contexte bien plus large, le passage d’une économie encore largement de subsistances, d’une agriculture artisanale, à une production industrialisée tout entière tournée vers le marché.
Ce qui ne se produira pas sans dégâts collatéraux : la perte d’emplois agricoles (120 000 Bretons quittent la terre entre 1945 et 1962), l’exode rural, le discrédit jeté sur des pans entiers de la culture populaire traditionnelle.
C’est à ce moment, en effet, que la pratique de la langue bretonne chute brutalement : on passe de plus d’un million de locuteurs en 1950 à 250 000 en 1990. Même dévalorisation des pratiques anciennes dans le domaine de l’habitat ou du mobilier : le formica, emblème du confort moderne, chasse les intérieurs populaires, le lit clos ou l’armoire monumentale, rachetés par les brocanteurs pour une bouchée de pain. La lutte bretonne, la galoche bigoudène, la boule nantaise, les danses et les musiques traditionnelles sont des loisirs en recul ou en passe de se folkloriser.
Jusqu’aux paysages ancestraux brutalement bouleversés : les hangars agricoles poussent comme des champignons, on goudronne les chemins, on abat les haies, on arase les talus, on recalibre les cours d’eau, on supprime le réseau de fossés. Le bocage se déchire sous l’effet du remembrement dont les opérations se multiplient à partir de 1963. Le remembrement est une coupure dans l’histoire agricole et paysagère de la Bretagne, une coupure aussi au sein de la paysannerie.
Tous ces phénomènes d’apparence disparate obéissent bien sûr à des impératifs d’efficacité, de gains de productivité et de rentabilité mais ils sont aussi des manifestations d’une déculturation collective, d’une honte partagée de n’être pas assez moderne.
Enfin, de 1960 à 1975 (fin des Trente Glorieuses) le tissu de la Bretagne, ce n’est pas seulement l’agro-alimentaire. Les deux secteurs traditionnels en difficulté – l’industrie de la chaussure à Fougères et les conserveries- sont réorganisées. Les chantiers navals de Nantes et Saint-Nazaire (qui construisent de grands transatlantiques et lancent des pétroliers géants) connaissent une reprise d’activités.
L’autre grande urgence est l’amélioration de la production énergétique qui apparaît comme un préalable à une industrialisation d’envergure. C’est dans ce cadre que sont commencés en 1957 les travaux de construction de la centrale marémotrice de la Rance et qu’est agrandie la centrale thermique de Nantes-Cheviré.
Le redéploiement de l’industrie sera aussi facilité par l’importante remise à niveau des infrastructures routières, ferroviaires et portuaires.
Le secteur des biens d’équipement est dynamique grâce à des capitaux extérieurs à la région. L’industrie automobile y joue un rôle déterminant (Citroën). Dans le même temps, les aides de l’Etat, l’amélioration des communications et aussi l’attractivité des bas salaires bretons favorisent l’implantation industrielle de quelques grosses unités : le Joint français et Chaffoteaux et Maury (1956) à Saint-Brieuc, Thomson. Enfin, l’installation du CNET ( 8 000 emplois sont créés autour de Lannion) puis celle du centre d’études spatiales de Pleumeur-Bodou qui tous deux dépendent de l’Etat sont les symboles de l’ouverture de la Bretagne aux technologies nouvelles.

Le milieu des années 60 est un autre temps forts des luttes sociales paysannes et ouvrières car la plupart des industries traditionnelles à qui le CELIB avait insufflé un peu de force juste après la guerre subissent alors les premiers effets de la mondialisation. Citons les grèves qui ont suivi la fermeture des forges d’Hennebont en 1966, celles des usines de chaussures à Fougères en 1967, de l’usine Garnier à Redon début 1968. Les luttes souvent très violentes unissent parfois paysans et ouvriers qui semblent prendre momentanément conscience, lors de ces moments conflictuels précis, de leurs intérêts communs.

11-Le modèle agricole breton
C’est un système de production agricole fondé sur l’intensification et l’hyperspécialisation de l’agriculture et de l’élevage et sur l’intégration horizontale et verticale de l’économie agricole.
Il s’agit de la transformation, en quelques décennies après la Seconde Guerre mondiale, d’une agriculture traditionnelle presque vivrière en une agriculture industrielle exportatrice. Le système breton a reposé sur d’importants efforts de l’État (avec notamment le plan routier breton pour désenclaver la région dans les années 1970), et sur l’implication des acteurs régionaux (chambres d’agriculture, entrepreneurs locaux et syndicats agricoles, catholiques notamment avec le rôle de la Jeunesse Agricole Chrétienne ou JAC). Il s’inscrit aussi dans une logique européenne avec l’importation de pratiques venues des Pays-Bas (le marché classique de gré à gré est remplacé par un marché aux enchères dégressives avec vente au cadran) ou de races animales sélectionnées pour leur productivité (la prim’holstein remplaçant par exemple la bretonne pie noire, dans l’élevage laitier).
Le modèle breton repose sur la constitution d’une filière agroindustrielle fonctionnant comme un espace productif à l’échelle régionale : en amont on trouve les semenciers, les centres d’insémination, l’importation de tourteaux de soja via les ports bretons, les banques (Crédit agricole) ; en aval, les conserveries, les usines de conditionnement, les abattoirs et une exportation d’une partie de la production hors UE (volailles vers les marchés d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient par exemple).
Le système agricole breton, s’il a permis une modernisation agricole impensable avant sa réalisation, a aussi atteint ses limites :
- Des dégradations environnementales aujourd’hui avérées : la plus connue est la pollution aux nitrates qui rend l’eau des nappes impropres à la consommation humaine, et qui déclenche régulièrement des marées d’algues vertes sur les côtes bretonnes (phénomène d’eutrophisation). Mais le système breton a aussi reposé sur un remembrement massif, dont on sait aujourd’hui qu’il est la cause d’un effondrement de la biodiversité dans les campagnes (en association avec l’usage massif, pendant des décennies, de produits phytosanitaires). La débocagisation, ou disparition du bocage, entraîne une érosion des sols tout en diminuant la rétention des eaux de pluie, ce qui peut provoquer des inondations.
- Des conditions sociales qui se sont dégradées avec la concentration économique des acteurs agricoles : en théorie, l’agriculteur ou l’agricultrice est autonome et libre de ses choix. Dans la pratique, il est lié par contrat à de puissants groupes industriels, souvent des coopératives devenues des sociétés anonymes. De plus, la modernisation a impliqué des investissements considérables qui l’ont condamné à s’endetter. Il est donc très difficile de sortir du « modèle » sans un changement à l’échelle de tout le système.
Des jeunes agriculteurs et agricultrices conscients des dérives environnementales, économiques et sociales du système, tentent aujourd’hui de le faire évoluer par une conversion à l’agriculture biologique ou l’insertion dans les circuits courts (AMAP, vente directe).
12-L’école de la Libération
La majeure partie du territoire français se libère durant l’été 1944 à la suite du débarquement du 6 juin en Normandie. La rentrée scolaire a lieu ensuite officiellement le 2 octobre, alors que les soldats allemands sont toujours présents dans plusieurs régions (où la rentrée scolaire aura lieu un an plus tard à l’automne 1945) et qu’une part importante de la population n’a pas retrouvé son quotidien : de nombreuses écoles sont détruites, des milliers de familles ont été déplacées et beaucoup d’enseignantes et d’enseignants manquent à l’appel. Pourtant, la rentrée a bien lieu.
On fait au mieux dans une période hésitant entre euphorie de la liberté retrouvée et angoisse liée à la sortie de guerre : beaucoup de bâtiments scolaires ne sont plus utilisables, les cantines ne fonctionnent pas dans toutes les régions, et beaucoup de classes n’ont plus d’enseignants. La guerre en effet n’est pas encore terminée et une partie d’entre eux sont prisonniers ou déportés en Allemagne, d’autres combattent dans les rangs des FFI (Forces françaises de l’Intérieur, organisation qui regroupe les résistants), d’autres encore sont exclus de l’enseignement en raison de leur attitude de collaboration.
Pour beaucoup d’enfants, cette rentrée ne se déroule donc pas sans contrainte. Les établissements qui ont pu rouvrir manquent de papier, d’encre, de tables et de chaises, de chauffage (les hivers 44 et 45 ont été particulièrement froids, ce qui accroît l’absentéisme, une partie des parents préférant garder leurs enfants chez eux).
Par ailleurs, les enfants sont marqués physiquement (ils souffrent encore de malnutrition et ont même perdu quelques centimètres pendant la guerre) par ces nombreuses années de privation et d’insécurité. Les familles doivent faire face à une grande précarité due au chômage industriel et à une inflation de 60 %.
Au sortir du conflit, les conséquences sont aussi psychologiques car les enfants ont subi des traumatismes très lourds pendant la guerre : exode, perte de parents, de frères et sœurs, emprisonnement de leur père. Sans oublier qu’en France 11 400 enfants juifs ont été déportés dans les camps dont 2 000 avaient moins de 6 ans.
Le retour à la normale ne se fait que progressivement.
De plus, la volonté de rupture avec l’Occupation et le gouvernement de Vichy est évidente. Toutes les dispositions de Vichy sont supprimées par l’ordonnance du 9 août 1944 : cela signifie concrètement que les programmes du régime de Pétain sont remplacés par un retour à ceux datant d’avant 1939. Un vent de réforme souffle sur l’éducation en France où l’on souhaite davantage de démocratisation et une refonte en profondeur du système éducatif.
Un espoir de réforme pour rendre l’École plus démocratique.
En dépit de ces difficultés du quotidien, le gouvernement provisoire conduit par de Gaulle a voulu réinstaller au plus vite son autorité et c’est pourquoi il a souhaité rouvrir toutes les écoles rapidement. De plus, la rénovation du système éducatif est au cœur du projet de la Résistance et du nouveau gouvernement.
Pendant toute la guerre, plusieurs réflexions sont menées au sein des organisations résistantes pour refondre l’École en France (Marc Bloch, Georges Lapierre, René Paty, Claude Bellanger et d’autres). En creux de ces réflexions, on peut lire une critique de la formation des élites en France qui ont failli lors de la défaite de 1940 et qui ont contribué à l’installation du régime de Vichy et à la collaboration avec l’Allemagne. Il faut un enseignement marqué du sceau de la liberté et de l’égalité pour construire une France nouvelle.
A cet effet, les propositions phares sont les suivantes :
- investir avant tout, donc dépenser davantage, pour l’éducation ;
- favoriser l’accès à toutes et tous à l’enseignement et mettre fin aux inégalités du système scolaire (le primaire était réservé aux classes les plus populaires, et le secondaire et le lycée ne concernaient qu’une élite) ;
- mettre fin au rôle du classement et au bachotage qui abrutissent plus qu’ils n’éduquent ;
- mettre l’éducation civique et la formation professionnelle au programme pour permettre une meilleure participation à la vie de la Cité ;
- transformer les filières de recrutement dans tous les domaines, en particulier pour ce qui concerne la formation des maîtres ;
- mieux rémunérer les enseignantes et enseignants ;
- instaurer la gratuité totale de l’école ;
- unifier le système avec la suppression de l’enseignement privé ;
- améliorer la gestion administrative de l’ensemble du système scolaire.
Cette réflexion collective se retrouve au sein des nouvelles forces politiques en charge de l’avenir de la France après la Libération. Le plus marquant d’entre eux reste le plan Langevin-Wallon. Remis le 19 juin 1947 au gouvernement Ramadier. il propose :
- la scolarisation de tous les jeunes de 6 à 18 ans en trois cycles : de 7 à 11 ans un cycle pour tous et toutes, de 11 à 15 ans, un cycle d’orientation où les élèves pourraient découvrir et choisir leurs matières de prédilection, puis de 15 à 18 ans un cycle de détermination avec un ensemble de matières plus spécialisées ;
- la fusion des premières années d’université avec les classes préparatoires, pour renforcer le rôle des universités publiques et démocratiser l’enseignement supérieur ;
- une transformation de la formation des maîtres et une unification des métiers tout en préconisant des méthodes pédagogiques nouvelles.
L’ensemble de ce plan vise à réduire les inégalités scolaires et sociales encore très présentes dans la société de l’époque, tout en offrant de nouvelles voies de formation pour créer des élites originaires de toutes les classes sociales.
Ce projet a été le fruit d’un long travail consensuel (du 8 novembre 1944 au 19 juin 1947) mais à sa publication, l’époque a changé : les divisions politiques sont de nouveau présentes, les communistes ont été évincés du Gouvernement le 4 mai dans un contexte de conflictualité sociale et d’exacerbation des tensions géopolitiques (naissance de la Guerre froide), la France a perdu l’euphorie de la période de la Libération et les changements espérés semblent trop compliqués à mettre en place. Ce plan Langevin-Wallon est donc rejeté.
Pourtant, ses propositions restent des références et inspirent des réformes effectuées dans les années 1950 et 1970. On en retrouve même certains aspects dans la politique mise en œuvre par de Gaulle à partir de 1958.
Ecole publique rurale de Saint Cado


École de Saint-Cado, commune de Bannalec.
Changement de destination du bâtiment en maison d’habitation
Ecole rurale de Saint Jacques -1945-1950




Ecole Saint Jacques
Le mot de mixité est récent. Au XIXe siècle, on ne parle que de coéducation qui définit une « cohabitation en commun ». C’était, de fait, des classes uniques.
La coéducation ne s’appliquait qu’aux classes populaires, pour le niveau élémentaire et dans les zones rurales. Elle ne signifiait pas forcément un traitement identique mais seulement une « collaboration ». La progression de l’éducation des filles, couplée à une féminisation du corps enseignant, ne doit ainsi pas se comprendre à l’époque avec l’idée d’égalité : les enseignements sont différenciés, comme les travaux d’aiguilles pour les filles prévus dans la loi Duruy de 1867.
La coéducation fut longtemps combattue par les pédagogues catholiques qui y voyaient une source de désordre sexuel contraire à la morale. Elle est officiellement condamnée par le pape Pie XI en 1929 dans l’encyclique Divini illius Magistri.

École de Église Blanche, commune de Bannalec. Changement de destination du bâtiment en maison.
L’enseignement à Bannalec au lendemain de la Seconde guerre mondiale
A Bannalec, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’église régente une école primaire de filles, l’école Notre Dame du Folgoët implantée rue Saint-Thurien. Anciennement appelée « Ecole du Verger », elle avait été créée en 1912 par l’abbé Cuillandre, curé de Bannalec, malgré la loi Combes du 7 juillet 1904 qui interdisait l’enseignement aux congrégations religieuses.
En effet, pour tourner cette loi, il suffisait soit de changer de catégorie pour disposer à nouveau des droits perdus – le « congréganiste » se prétendait simplement prêtre, ou même « laïc », et le tour était joué – soit de faire appel à des enseignants laïcs. Autrement dit, l’enseignement congréganiste interdit se « sécularisait » tout simplement. Les écoles congréganistes sont remplacées par des écoles privées « laïques ».
A l’école Notre-Dame du Folgoët, la première enseignante était une laïque, Geneviève Goujon, ce sont ensuite les sœurs de la congrégation des Filles de l’Esprit de Saint-Brieuc qui prirent le relais.
En 1921, une soixantaine de filles fréquentaient le pensionnat et, les années suivantes, de nouveaux bâtiments furent construits pour accueillir les élèves.
Pour l’enseignement secondaire, les élèves devaient se rendre soit chez les Ursulines de Quimperlé soit à l’école de Kerbertrand dans cette même ville.
En revanche, « Bannalec fut une des rares communes de moyenne importance à ne pas avoir d’école confessionnelle de garçons au XIXème siècle et dans la première moitié du XXème siècle. »
Mais en 1949, à la suite d’une intervention du chanoine François Gueguen, curé-doyen de Bannalec, la congrégation des Frères Saint-Gabriel de Saint-Laurent sur Sèvres décide de faire construire une école accueillant des enfants des classes de primaire aux classes de collège. A cet effet, elle lance une souscription auprès des familles catholiques bannalécoises et fait appel au bénévolat pour participer aux travaux dirigés par une entreprise quimpéroise. Malgré la forte opposition du conseil municipal en place et de nombreux bannalécois à la construction de cette école, celle-ci, dénommée «Saint-Jean Bosco», située rue Saint-Lucas et inaugurée le 3 septembre 1950, ouvre ses portes pour la rentrée scolaire 1950/1951.
En 1968, les deux établissements catholiques Saint-Jean Bosco et Notre Dame du Folgoët deviennent mixtes et leurs classes élémentaires sont regroupées rue de Saint-Thurien.
En juillet 2009, Saint-Jean Bosco ferme définitivement ses portes pour deux raisons : une baisse de fréquentation du collège et une absence de moyens pour rénover et moderniser le collège.
Quant à l’enseignement primaire public à Bannalec (qui avait fait son apparition quelques décennies avant que les lois de 1882 de Jules Ferry rendent l’école gratuite, l’instruction primaire obligatoire et participent à la laïcisation de l’enseignement), il comptait en 1945 plusieurs établissements :
- L’école de Saint-Cado (ouverte en mai 1884 et fermée en juin 1968) était composée d’une classe unique mixte,
- L’école de l’Eglise Blanche (ouverte en mai 1884 et fermée après 1965) était composée d’une classe unique mixte,
- L’école de Saint-Jacques (ouverte en mai 1884 et fermée le 31 août 1988).
- Deux écoles dans le bourg, une pour les garçons située derrière la Mairie et une pour les filles située rue Saint-Thurien (occupée en partie par les soldats Allemand dès 1940 et où fut torturé le jeune Résistant Pierre Pendélio).
Les écoles publiques étaient les parents pauvres. Pauvres, car elles accueillaient majoritairement les enfants des familles modeste et exceptionnellement ceux des familles qui, par conviction, s’attachaient à les scolariser dans ces écoles. Par opposition aux écoles catholiques, les écoles publiques étaient surnommées péjorativement « les écoles du diable ».
L’opposition entre l’école publique et l’école privée est une constante dans la région. Même si cela tend aujourd’hui à s’atténuer, tout Breton du XXe siècle a vécu pleinement cette coupure entre les deux écoles, les deux sociétés. Cette rivalité, ce dualisme scolaire structure durablement l’espace idéologique et la sociabilité en Bretagne.
Ecole publique filles

Classe 1945

Classe CM2-1948

Ecole publique garçons – 1947

classe de M.Pichon

Ecole privée filles Notre Dame du Folgoët
Classe – 1945-1947

Ecole privée garçons Saint Jean Bosco
Inaugurée en 1950


Saint Jean Bosco
13– Le dépôt de munitions de Kerlagadic
Nous avons repris ici partiellement et en des termes peu différents l’historique du dépôt de munitions de Kerlagadic établi par Antonin Flecher dans son ouvrage « La seconde guerre mondiale à Bannalec » pages 17 à 27.
« Début 1942, la Royal Air Force lance ses premiers raids sur la base sous-marine de Lorient.
Les bombardements de la RAF vont modifier la stratégie du commandement allemand, qui décide de délocaliser ses stocks de munitions vers cinq sites dans un rayon d’une trentaine de km. C’est ainsi que Kerlagadic en Bannalec et Coat-loc’h en Scaër, sont retenus par les états-majors allemands, qui trouvaient sur ces espaces un camouflage naturel, une gare ferroviaire de proximité, des voies routières.
Printemps 1942, les Allemands mettent en place sur les terres de Kerlagadic et Toul-an-c’hoat bihan (secteur de Saint-Anne) leur périmètre d’emprise nécessaire à l’implantation du dépôt de munitions.

L‘entrée du camp se situe sur la route d’accès au manoir de Kerlagadic ; au poste de garde se trouve un soldat en armes auquel les habitants qui se trouvent à l’intérieur du camp doivent présenter un « ausweis » (laisser-passer délivré par la Kommandantur).
Une autre entrée se situe sur le chemin de l’oratoire de Sainte-Anne. Le plan joint donne une vue d’ensemble du camp et des soutes à munitions. On en dénombre près d’une vingtaine. Une main d’œuvre civile locale réquisitionnée est employée pour le creusement de ces soutes de stockage de munitions.
Automne 1942 : Des abris de stockage sont prêts à recevoir les munitions arrivées par wagons à la gare de Bannalec.
Début 1943 : les soutes à munitions se remplissent, les Allemands renforcent les lignes de barbelés et Kerlagadic devient une véritable poudrière à très haut risques.
C’est aussi la fin de la présence des habitants dans cette zone militaire.
Dans la nuit du 10 au 11 novembre 1943 : Un commando de jeunes Bannalécois s’organisent pour mettre le feu à un wagon de munitions destiné au dépôt de Kerlagadic et stationné à la gare de Bannalec mais leur tentative va échouer.
Pierre Pendelio membre du commando, sera grièvement blessé par balle par une sentinelle allemande, cinq de ses camarades seront arrêtés quelques jours plus tard, puis incarcérés à la prison St Charles de Quimper.
Pierre Pendelio , Louis Le Gac et Jean Le Gac, Eugène Lorec , Michel Yvonnou , Eugène Cadic, seront fusillés.
6 juin 1944 :
A partir de cette date, commencent des transferts de munitions de Kerlagadic à la <gare de Bannalec. Si le dépôt de Coat-Loc’h sera totalement évacué, un stock important de munitions demeurera à Kerlagadic jusqu’au départ des Allemands de Bannalec.
Lundi 7 août 1944, 6h30, une soudaine et forte déflagration se produit ressentie à plusieurs km à la ronde. Tout tremble aux alentours, les toitures des habitations et des bâtiments de ferme les plus proches sont endommagés, des munitions déchiquetées projetées sur un large périmètre autour de Kerlagadic avec un nuage de fumée et de poussière.
Deux autres explosions vont se produire, la deuxième à 6h45 et la troisième vers 7h00 qui sera de plus faible intensité. Le dépôt est partiellement détruit.
Après l’attaque de la draisine en gare de Bannalec en fin de matinée, les Allemands ont quitté la ville, Bannalec est libérée par ses résistants, c’est le grand soulagement de la population après quatre années d’occupation nazie, nous sommes le 7 août 1944.
Pour autant la guerre n’est pas terminée dans notre région, les compagnies de Résistants FFI-FTP devenu le 3ème bataillon de marche du Finistère vont participer aux combats dans la presqu’ile de Crozon puis sur le front de Lorient jusqu’au 8 mai 1945.
Conscients du danger que représente toujours le dépôt de munitions de Kerlagadic , le colonel Berthaud, commandant des FFI du Finistère, et le capitaine Lavat confieront les lieux, dont la garde sera assurée par une section de résistants de Bannalec, à l’adjudant-chef d’active Louis Brelivet, artificier et démineur, qui sera chargé, avec le concours de quelques Italiens, de maintenir en place un périmètre de sécurité et de faire procéder au déminage du site.
C’est au cours d’une de ces opérations de déminage que GB Gazzelli fut grièvement blessé par l’explosion d’une grenade et mourut de ces blessures à l’hôpital de Quimperlé le 27 septembre 1944.»
