Jeunesse
Louis Salaün naît le 22 novembre 1899 dans le hameau de Kerliver situé à environ 2km au nord du bourg de Bannalec, dans une famille de petits cultivateurs. Il est le quatrième d’une fratrie de sept enfants dont les parents sont Louise Guillou (1869/1956) et François Salaün1 (1870/1913).
Louis n’a pas 15 ans à la déclaration de la 1ère Guerre mondiale. Il a déjà quitté l’école pour aider aux travaux des champs et loue ses bras comme ouvrier agricole aux alentours.
Un an après avoir perdu son père, mort accidentellement, il voit l’un après l’autre ses trois frères plus âgés partir pour le front et se retrouve seul avec sa mère et ses deux sœurs plus jeunes.
Jean, le second dans la fratrie, bien que reconnu « soutien indispensable de famille » le 11/8/14, est incorporé le 5/9/14 (4 mois avant ses 20 ans).
Service militaire
« Incorporé à compter du 22 Avril 1918 au 19ème Régiment d’Infanterie2, arrivé au corps le 22 Avril 1918.
Nommé soldat de 1ère classe le 1er septembre 1918.
Passé au 62ème Régiment d’Infanterie, aux armées, le 20 septembre 19183.
Passé au 19ème Régiment d’Infanterie le 30 janvier 1919.
Passé au 502ème Régiment d’Artillerie d’Assaut le 18 avril 1919.
Obtient à 19 ans le Brevet de pilote le 31 août 1919 (soit 6 ans après Jean Bourhis4, son voisin de Guernic et son aîné de 11ans qui lui l’avait obtenu à 25ans).
Intègre l’Armée du Levant5, en Syrie, le 1er février 1920.
Nommé brigadier le 27 juin 1920.
Nommé sergent le 5 février 1921.
Engagements
Rengagé pour un an le 21 février 1921, à compter du 18 Avril 1921.
Quitte la Syrie le 30 octobre 1921.
Passé au 505ème Régiment de Chars de Combat le 27 janvier 1922.
Rengagé pour deux ans le 8 avril 1922 à compter du 15 Avril 1922 au titre de la 14ème section d’ouvriers d’aviation à Istres.
Dirigé sur Istres le 11 avril 1922. (École d’aviation des Bouches du Rhône).
Affecté au 31ème Régiment d’Aviation le 6 décembre 1922 comme pilote.
Rengagé pour trois ans le 25 mars 1924, à compter du 18 Avril 1924.
Nommé sergent major le 19 juillet 1926.
Rengagé pour trois ans le 19 novembre 1926 à compter du 18 Avril 1927.
Adjudant pilote le 1er avril 1928.
Sous-Officier de carrière à compter du 19 Décembre 1928.
Médaille militaire le 2 juillet 1929.
Promu Adjudant-chef le 1er avril 1932.
Passé à la base aérienne N°131 (de Parçay-Meslay près de Tours) le 1er janvier 1934.La fiche précise : organisation. (Année de création de l’Armée de l’air).
De retour d’Afrique du Nord en mars 1941, il travaille à la garde des communications, où il est brigadier, à Montlouis, près de Tours, en zone libre.
Resistance
Il entre dans la Résistance tourangelle au Mouvement Libération Nord6 en octobre 1942 et sert dans les Forces Françaises de l’Intérieur du département de l’Indre et Loire sous les ordres du Capitaine Louis MAUS du1/6/1943 au 7/10.1943. Ce groupe était chargé des opérations aériennes du Mouvement Libération-Nord, dirigé en Touraine par Jean Meunier.
Vers le mois juin 1943, le capitaine Maus et l’instituteur Marcel Rabache, à la demande de Fernand Lafuye, prospectent des terrains dans cette partie du département. Leur choix se fixe sur les terres de la ferme de la Hardillère à Semblançay, dans le lieudit Gobelville. Son nom de code est « Thorium ».
Le groupe reçoit un message d’alerte par Radio Londres : « La montagne est verte, le poisson ne mord pas » pour le parachutage qui se déroule dans la nuit du 8 au 9 septembre 2023. Louis Salaün et ses camarades, sous la direction de Marcel Rabache, récupèrent les armes ainsi que les postes-émetteurs (7 containers), les transportent dans une charrette et les cachent dans un bâtiment de la propriété de Poillé dont un résistant était le régisseur. Des témoins de la scène alertent les Allemands qui, d’abord, se saisissent du matériel et ensuite procèdent, sur dénonciation et trahison, à de nombreuses arrestations : celles de Rabache, Maus, Lafuye, Genilleau, Claveau, Nay, Salaün, Bondu, Cherioux, Galichon, …. En fait « Libé Nord » se trouve décapité et connaîtra des difficultés pour reconstituer des groupes efficaces au printemps 1944.
Louis Salaün est arrêté par la Gestapo à son domicile de Saint Cyr sur Loire le 7/10/1943 et interné à la prison de Tours, siège de la Gestapo, où ses compagnons et lui subissent des interrogatoires musclés en septembre, octobre et novembre. Ils sont transférés au camp d’internement et de transit de Royallieu à Compiègne, ancienne caserne réquisitionnée par les Allemands et devenue l’antichambre des camps d’extermination.
Louis Salaün est déporté vers le camp de Buchenwald7 le 27/1/1944, où le convoi arrive le 29/1/1944 après 830 km d’enfer. A Buchenwald, Louis Salaün a le matricule 43960.
Il est transféré au camp de travail d’Ellrich8 ,annexe de Dora où, depuis 1943, l’exploitation des déportés a tourné à l’extermination par le travail.
Louis Salaün meurt d’épuisement au camp d’Ellrich le 29.10.1944, près de trois mois après la Libération de Bannalec, pour avoir participé à la résistance au nazisme. Il avait presque 45 ans.
La mention « mort en déportation » figure sur son acte et jugement déclaratif de décès (sous la cote AC 21 P 534999 dans les archives des victimes des conflits contemporains du Service historique de la Défense)
Aujourd’hui, hors de sa famille, peu de Bannalécois se souviennent de lui, mais à Saint-Cyr -Sur -Loire son nom figure sur le monument aux morts (1939-1945, déportés politiques) et une rue porte son nom : l’Allée de l’Adjudant-chef Louis Salaün.
- François Salaün était un tabalder connu. Mais c’est surtout un de ses enfants, Auguste dit « Gus », qui était un sonneur renommé, bien au-delà des frontières de Bannalec et de celles du territoire national.
↩︎ - D’avril à juin 1918, le régiment est placé sur le Chemin des Dames (éperon de Courtecon, éperon de Vaumaires) après de violents combats sur la Somme. Le régiment est submergé par l’offensive allemande du 27 mai.
↩︎ - Depuis avril 1918, ce bataillon est stationné dans l’Oise où il restera jusqu’à la fin de le Guerre. Il effectue des travaux forestiers et il est au service du Génie.
↩︎ - Jean Bourhis est né le 22 juillet 1888 à Bannalec. En 1908, il effectue son service militaire au régiment de Spahis de Médéa (Algérie). À son retour, sa famille le pousse à intégrer l’école de notariat à Paris. Mais Jean Bourhis est captivé par les débuts de l’aviation et se voit déjà pousser des ailes. Contre l’avis de ses parents, il abandonne le droit pour l’aéronautique. En 1913, il construit en trois mois son propre avion dans les ateliers Blériot et obtient son brevet de pilote. À bord du monoplan, il rallie Paris à Bannalec et atterrit dans un champ près de la ferme familiale.
Avec un parachute inventé par Frédéric Bonnet, il effectue son premier saut le 21 février 1914 à Juvisy Port Aviation, et se retrouve poussé par le vent dans le cours de la Seine. Il saute plusieurs fois avec succès et c’est ainsi qu’il est amené à participer avec son équipe et le pilote Alfred Lemoine notamment, à des démonstrations en France et à l’étranger notamment à Vienne au printemps 1914 où ils seront tous les deux blessés. De retour en France, Jean Bourhis reprend son travail de pilote d’essai chez Louis Blériot et continue à participer à des meetings jusqu’au début de la guerre.
Lorsque la guerre éclate en 1914, il est mobilisé comme pilote au 2e régiment d’aviation de Dijon puis breveté pilote militaire. Récompensé pour son audace, il reçoit, le 4 juillet 1915, sa première citation à l’ordre de l’armée. Promu sous-lieutenant le 8 octobre 1915, il abat son premier avion allemand deux jours plus tard près de Pont-à-Mousson (forêt de Puvenelle). Le 11 décembre 1915, la Légion d’honneur et la Croix de guerre avec palmes lui sont décernés. Mais, le 14 mars 1916, aux environs de Verdun, il engage le combat contre plusieurs avions allemands. Il est grièvement blessé d’une balle au bassin. Il ramène malgré tout son avion. Il décéde huit jours plus tard à l’ambulance 325, à Chaumont sur Aire (Meuse). Son corps fut ramené à Bannalec et inhumé le 13 août 1922. Un monument en son hommage a été inauguré le 11 septembre 1932.
↩︎ - Conformément aux accords Sykes-Picot signés le 16 mai 1916 entre la France et la Grande-Bretagne, les troupes françaises se sont installées au Levant à partir de 1917. Ces accords, anticipant la fin de la guerre, déterminaient le partage et la répartition entre les deux puissances alliées des zones d’influence au Proche-Orient. Ils ont été entérinés par la conférence de San Remo et le traité de Sèvres en 1920 qui délivrent des mandats à la France en Syrie et au Liban. Pour maintenir l’ordre sur ces territoires, la France constitue une force armée, l’armée du Levant.
↩︎ - L’histoire du mouvement Libération-Nord en Indre-et-Loire a commencé en 1942 lorsque Henri Ribière a approché Jean Meunier pour lui demander de créer le mouvement résistant au niveau départemental, et tandis que ce dernier était déjà membre du réseau CND-Castille. Jean Meunier, secondé par l’instituteur Marcel Nay, s’est alors entouré d’une équipe – notamment issue des rangs des agents de la CND-Castille d’Indre-et-Loire – et des sections Libération-Nord se sont créées notamment à Amboise et La-Chapelle-sur-Loire. Paul Chérioux est chargé par le mouvement d’assurer la liaison entre les sections départementales d’Indre-et-Loire, du Cher, du Loiret et du Loir-et-Cher et Paris. Les premiers responsables militaires du mouvement étaient le colonel Marnet et Théophane Venien, qui furent plus tard arrêtés et finalement remplacés par le « commandant Balzac » (Georges Bourgoin) et Mériot.
En 1943, Le mouvement Libé-nord en Indre-et-Loire s’avère opérationnel : des filières de renseignements et d’évasion fonctionnent, des terrains sont recherchés pour réceptionner les parachutages d’armes ou pour permettre aux avions militaires britanniques d’atterrir pour déposer ou rapatrier des agents.
En septembre 1943, le mouvement Libération-Nord d’Indre-et-Loire est presque entièrement décapité, suite à la trahison d’un agent lors d’un parachutage à Charentilly, qui déboucha sur des arrestations massives par la Gestapo… 83 membres de Libération-Nord furent arrêtés en onze jours… une hécatombe. Il fallut alors reconstituer les sections, réapprovisionner les stocks d’armes, redonner un élan à la lutte clandestine. Une nouvelle organisation militaire fut alors mise en place, et Pinçon fut chargé de contacter puis de rattacher les maquis isolés du département au mouvement.
↩︎ - Le convoi du 27 janvier 1944 est le huitième des grands transports de Compiègne à Buchenwald à se succéder depuis juin 1943 et le troisième en 1944. Son premier matricule suit le dernier matricule du transport parti le 22 janvier 1944. Quelques déportations de ce transport sont la suite d’arrestations anciennes, mais la grande majorité des personnes concernées ont été arrêtées dans les quatre derniers mois précédant le départ. Certaines arrestations ont eu lieu lors d’attaques de maquis en Côte-d’Or, en Ille-et-Vilaine ou dans les Côtes-du-Nord, d’autres sont liées à des tentatives de franchissement des Pyrénées. Les arrestations les plus importantes correspondent à des démantèlements nombreux de groupes de Résistance dans des régions très diverses : FTPF dans l’Aisne, la Loire ou la Haute-Savoie, Réseau Buckmaster en Normandie, Bretagne, pays de la Loire, Libé -Nord dans l’Aisne, Libé-Nord dans l’Indre-et-Loire, Résistance-Fer en Saône-et-Loire, Corps-Francs Pommies du Gers, CND-Castille en Gironde et dans les Landes, etc.
Au total, ce convoi compte 1584 hommes dont 1415 Français, 50 Belges, 39 Espagnols, 34 Polonais, 13 Néerlandais, 7 Italiens, 7 Britanniques, 2 Américains, 1 Mexicain, 1 Tchécoslovaque, 1 Yougoslave, 1 Grec, 1 Algérien, et 1 Syrien.
Le trajet est marqué par la mort d’un détenu, par l’évasion de 3 prisonniers à Vitry-le-François et par une soupe à l’arrêt à Trèves comme pour le convoi précédent. Ce voyage, apparemment banal, a pris toute sa signification sous la plume de l’Espagnol Jorge Semprun (Né le 10 décembre 1923 à Madrid, mort le 7 juin le 2011 à Paris, écrivain, résistant, membre du Parti communiste d’Espagne et un temps du Parti communiste français, ministre de la Culture en Espagne de 1988 à 1991), qui a décrit, dans un « roman », intitulé Le Grand Voyage, celui dont il avait fait partie. A l’arrivée le 29 janvier, le convoi comptait 1580 vivants auxquels furent attribués les matricules compris entre le n° 43009 et le n° 45060.
A Buchenwald, un sort particulier est réservé à un certain nombre de déportés français. Une dizaine d’officiers, souvent membres du Deuxième Bureau, dont Henri Giscard d’Estaing, sont transférés le 13 mars 1944 à Flossenbürg pour être internés comme « personnalités-otages » au château d’Eisenberg. Plus tard, Alfred Cailliau, beau-frère du Général de Gaulle, est transféré au château d’Itter, où sont déjà internés Edouard Daladier et Paul Reynaud (anciens présidents du Conseil), Léon Jouhaux (leader syndicaliste), les Généraux Weygand et Gamelin, et d’autres personnalités importantes. Plus tragique est le sort de membres du réseau Alliance, transférés plus tard à Gaggenau pour être fusillés.
En février et mars 1944, 697 des 1 415 Français du convoi du 27 janvier sont envoyés à Dora. Ce camp comporte, autour du site propre de Dora, une trentaine de kommandos (des sites extérieurs qui s’appellent Ellrich, Harzungen, Langenstein, Helmstedt, Blankenburg, Nuxei, Osterode, Mackenrode, Rottleberode, Rossla, Leau, Laura, Schönebeck, Stempeda, Woffleben,Wieda etc.). Il s’agit cette fois pour l’essentiel, de la construction du camp, qui avait été ajournée au bénéfice des travaux du « Tunnel » aménagé pour la construction des V2. Il faut construire les baraques, les rues, les réseaux et la clôture électrifiée d’une véritable petite ville associée à l’usine souterraine des armes secrètes. Ces nouveaux venus échappent aux « dortoirs » du Tunnel. Les victimes sont cependant nombreuses et un transfert important a lieu, dès mars 1944, à Bergen-Belsen.
Une nouvelle priorité apparaît en mars avec l’ouverture de nouveaux chantiers souterrains et des camps correspondants d’Ellrich et de Harzungen. Les derniers membres de ce convoi à quitter Buchenwald y vont directement au lieu d’aller à Dora. A la fin des travaux du Tunnel et du camp les survivants sont affectés soit à l’usine, soit aux nouveaux chantiers.
L’histoire de Dora, celle de l’usine du Tunnel et du camp, c’est à la fois une partie de l’histoire des fusées et aussi l’une des périodes les plus noires de l’exploitation des déportés dans le système concentrationnaire nazi. Dora est l’usine-camp souterraine où la machine de guerre la plus secrète nazie exploite et tourne à plein. De très grandes sociétés industrielles (AEG; SIEMENS, VOLKSWAGEN, IG Farben entre autres) soutiennent activement le production de guerre allemande à Dora.
L’usine installée au cœur du tunnel s’appelle « Mittelwerk ». Elle appartient à la SARL Mittelwerk, propriété du ministère de l’armement du Reich. La production commence en janvier 1944. Entre septembre 1944 et février 1945, un total de 5 300 V2 sont fabriqués à Mittelwerk, 2 800 sont lancés dont la moitié environ atteignent leur cible : 1 050 tombent sur l’Angleterre, tuant 2 754 personnes et blessant 6 523 autres, détruisant 400 000 maisons, en endommageant plus de 4 000 000. La Belgique connaît le même sort. En octobre 1944, Londres reçoit 25 fusées V2 par jour et Anvers 10. Le tir le plus meurtrier tombe sur Anvers le 16 décembre 1944 : 561 personnes sont tuées dans un cinéma.
Nombreux sont les déportés français envoyés vers Dora où la mortalité est si grande, qu’on l’appelle « le cimetière des Français ». Ordre d’Himmler : personne ne doit sortir vivant de Dora. Soixante mille hommes de toutes les nationalités connaîtront l’enfer de Dora pendant ses vingt mois d’existence, vingt mille en mourront. Ce sont en moyenne mille cinq cents hommes qui meurent tous les mois à Dora. Les cadavres partent deux fois par semaine par camions vers le crématoire de Buchenwald, jusqu’à ce que Dora se dote d’un crématoire en septembre 1944. Le 1er novembre 1944, Dora, qui primitivement avait le statut administratif de commando extérieur du camp de Buchenwald, obtient le statut de Camp indépendant et est enregistré officiellement comme camp de concentration de Mittelbau. Il comprend 16 % de déportés français au recensement du 1° novembre 1944. Il se développe en tant que centre d’un vaste complexe avec plus de quarante camps extérieurs et kommandos de travail (Ellrich, Harzungen…), dans presque tous les lieux de la région, réseau de camps et d’installations souterraines renforcé en permanence jusque dans les dernières semaines de la guerre.
Seulement un dixième des prisonniers de Dora sont employés dans l’usine souterraine, où, sous la direction de l’équipe des spécialistes des fusées (Wernher von Braun, Arthur Rudolph), ils travaillent avec des ingénieurs et des travailleurs civils allemands.
Les brutalités sur les prisonniers, les exécutions des saboteurs réels ou présumés et l’assassinat des détenus mal vus en particulier politiquement sont chose courante dans la phase finale.
Parmi les 60 000 détenus du camp de concentration Mittelbau-Dora, 20 000 trouvèrent la mort, la plupart d’entre eux dans les kommandos de construction : 9 000 d’épuisement au travail, 350 pendus (dont 200 pour sabotage), d’autres abattus ou battus à mort, d’autres enfin sont morts de maladie ou de famine.
En dehors de Dora, le principal lieu de destination est le nouveau chantier de Porta Westfalica Barkhausen. Afin de transférer sous terre de la production d’armes vitales pour la guerre, l’état major SS A II décida la mise en place à Porta-Westfalica de deux Kommandos extérieurs du camp de concentration de Neuengamme. Le premier était le camp de Barkhausen où arrive, le 19 mars 1944, un premier Kommando de 250 détenus du camp de concentration de Buchenwald. Pendant toute l’existence du camp, jusqu’à 1.300 hommes sont entassés dans l’ancienne salle des fêtes, sur des paillasses, dans des châlits à quatre étages. Plus de la moitié des détenus viennent de Pologne et d’Union soviétique. Plus tard s’y ajoutent des Français, des Belges et des Néerlandais.
David Rousset, résistant, écrivain, lui aussi arrivé à Buchenwald par le convoi du 27 janvier 1944 et envoyé dans ce camp de travail forcé témoignera de cette expérience dans deux livres, L’univers concentrationnaire et Le jour de notre mort. Ce camp est ensuite rétrocédé au camp de Neuengamme avec ses détenus. D’autres transferts sont opérés vers Schönebeck ou Langenstein.
Sur les 1584 détenus partis de Compiègne le 27 janvier 1944, seulement 510 hommes sont rentrés de déportation.
↩︎ - Ce kommando, situé à 15 km de Dora, est créé en mars 1944 dans le but de réaliser des usines souterraines complémentaires au complexe Mittelbau de Dora. Pour les détenus des kommandos voisins, sa seule évocation « frappe l’âme d’épouvante », tant sa réputation est sinistre. Il reçoit des Déportés de toutes nationalités, notamment des Polonais, Russes, Français, Belges, Tchèques, Juifs hongrois et Tsiganes allemands. Le 9 mai, après le rapatriement du kommando de Bischofferode, Ellrich rassemble 724 détenus. Ensuite les effectifs montent à 1696 fin mai, puis 2880 fin juin, 4104 fin juillet, 6187 fin août, et 8189 fin septembre.
Malgré un transfert important de détenus d’Harzungen en mars 45, les effectifs diminuent du fait de l’accroissement de la mortalité, mais aussi de l’évacuation sur la Boelcke Kaserne de Nordhausen, le 3 mars, de 1602 détenus « inutilisables ».
Au début d’Ellrich, les détenus sont logés dans de vieux bâtiments d’une fabrique de plâtre abandonnée. Le premier bâtiment est partagé en 3 blocks ayant chacun leur entrée. Le revier (qui est un simple baraquement faisant office d’infirmerie mais aussi un lieu de « sélection ») est dans le block 1. Il n’y a pas de salle d’eau, et une fosse sert de latrines. Le block 4 est dans un autre bâtiment de 70 m de long et 18 m de large. Puis on construit d’autres baraques, une cuisine, un Revier et des blocks équipés de sanitaires. En mars 45 un crématoire est installé sur la colline.
Plus de 4 000 personnes n’ont pas survécu à leur déportation à Ellrich et furent victimes des conditions de travail inhumaines imposées, de la faim, des épidémies et des mauvais traitements endurés de la part des SS, de la Wehrmacht et des contremaîtres civils qui les gardaient et les encadraient. ↩︎